«93, la belle rebelle», total respect

par Isabelle Hanne
publié le 25 novembre 2010 à 19h57
(mis à jour le 25 novembre 2010 à 20h11)

«L'habitat du pauvre est volatile, l'habitat du riche demeure.» L'accordéoniste et poète Marc Perrone, en voiture, raconte le bidonville d'Aubervilliers, la cité des 4000, le canal : «On a l'impression, dans ce coin, que rien ne peut faire patrimoine.» Ce que rappelle le documentaire 93, la belle rebelle , c'est que justement, «dans ce coin» , il en existe bien un, de patrimoine. À travers le prisme de la Seine-Saint-Denis, le documentaire présente, chronologiquement, l'évolution des genres musicaux, du rock au punk, du rap au slam, à travers une poignée d'artistes qui y ont grandi. Et qui, à leur tour, nous parlent de leur rapport au lieu.

Le documentaire, réalisé par Jean-Pierre Thorn ( Génération Hip Hop, Faire kifer les anges, On n'est pas des marques de vélo ), fait débuter cette histoire dans les années 60, au temps du rock et des blousons noirs, époque où les tours commencent à pousser au milieu des champs. Pour incarner la période, Daniel Baudon, ouvrier chaudronnier à Pantin et batteur dans un groupe de rock. Puis vient Marc Perrone, dont on boit les paroles : «Cette banlieue, elle n'est pas maudite, elle est malléable. Transformable à merci. C'est construit, démoli, construit, démoli… Un lieu de passage, sans arrêt remodelé.» On retrouve ensuite Loran des Bérurier Noir, sur un quai de RER. «Y avait des espaces, des terrains, y avait des endroits où y avait de l'herbe, on pouvait courir. Là, maintenant, tout ça c'est terminé. On a bétonné tout. Je pense que c'est une grosse erreur, parce qu'on a bétonné la tête des gens en même temps.» Puis le DJ Dee Nasty, évidemment NTM, et D' de Kabal, de Bobigny. «Ici, les gens sont assez proches les uns des autres : les murs sont pas très épais.» En parallèle, le docu montre les évacuations de squats, la crise du secteur industriel et le chômage de masse dans le département, la mort de Malik Oussekine, «le bruit et l'odeur» de Chirac, les «sauvageons» de Chevènement, le «nettoyage au Kärcher» de Sarkozy.

93, la belle rebelle est une visite sensorielle dans l'espace et le temps, une succession d'images et de sons qui transmettent l'énergie vorace qui anime ces artistes. Insoumis, politisés, fiers, avec leur refus des codes et leur envie de gueuler : le réalisateur établit une parenté entre tous, une filiation. La culture de la Seine-Saint-Denis en héritage.

Paru dans Libération du 25 novembre 2010

Bande-annonce :

93 la belle rebelle , de Jean-Pierre Thorn

_ à 22h 15, sur Arte.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus