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Libération

À la télé du hard formaté pas facile à dégoter

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 8 juillet 2006 à 21h52

Henri Gigoux est un garçon un peu déprimé. Pourtant, il fait un bien beau métier, que beaucoup parmi ceux de son sexe lui envient. Il est responsable d'acquisition des programmes adultes à Canal +. Bref, les films de boules, c'est son boulot. Mais sa tâche est ardue : il a de plus en plus de mal à trouver matière à diffuser le premier samedi de chaque mois. «Des films porno avec un scénario et une ambition, il n'y en a pas vingt par an», déplore-t-il. C'est que le marché est submergé de pornos gonzo, ces films bon marché, tournés à la 6-4-2 et qui enchaînent coït sur coït : «Entre 11 500 et 12 500 gonzos produits chaque année», selon Henri Gigoux, et destinés essentiellement au marché peu regardant du DVD.

Car la télé est très pointilleuse avec le cul. Du moins les chaînes éditées par Canal +, qui obéissent toutes à une charte très précise : pas de curé batifolant dans les blés, pas de golden shower (les enfants, regardez sur Google ce que c'est), pas de «Rintintin, prends-moi par tous les trous !», et évidemment pas de pédophilie. Mais pas non plus de godemiché, car Canal + proscrit toute «dégradation du corps de l'homme et de la femme». Enfin, la chaîne cryptée étend peu à peu à toutes ses filiales le port du préservatif obligatoire. Pas fastoche, donc, de dégoter du porno. «Du coup, explique Henri Gigoux, je travaille en amont avec les producteurs qui me proposent des scénarios, des castings.» Parfois, Gigoux trouve la pépite : ainsi cet Eloge de la chair, que Canal + diffusera en octobre, et qui compte une centaine de pages de scénario et cache, derrière le pseudo de Jack Tyler, un réalisateur de cinéma traditionnel.

Au total, entre Canal +, les chaînes spécialisées (XXL, Hustler TV...), les chaînes cinéma et le pay-per-view, ce sont en tout plus de 1 200 films X (rediffusions incluses) qui sont proposés à nos yeux ébahis chaque année à partir de minuit, l'heure légale. Mais la fesse coûte cher, car il faut à chaque fois s'acquitter d'un abonnement (9 euros pour Pink TV, autant pour XXL). Le téléspectateur peu adepte des gros plans sur les génitoires a à sa disposition une incroyable quantité de productions soft, façon le regretté téléfilm érotique du dimanche de M6. A 22 h 30, sur le câble et le satellite, c'est Byzance : sur les chaînes du groupe AB (RTL 9, NT1...), sur Paris Première où Dick Rivers présente des numéros de strip-tease (une expérience sensuelle intéressante), sur Sci-Fi où l'on se conte fleurette entre petits hommes et petites femmes verts. Trois raisons à cette abondance. L'une, basique : la pignolade. L'autre, économique : ça permet de fourguer une avalanche de pubs pour des messageries roses («MMmmm... Tu as envie d'une rencontre hot sur Amiens et sa région? Appelle-moi au...»). La troisième est plus triviale : alors que le porno télé souffre de la concurrence du DVD, le soft, lui, n'a pas de rival sur galette.

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