L'AFP a la dépêche chatouilleuse

par Aziz Oguz
publié le 23 juillet 2012 à 11h56
(mis à jour le 26 juillet 2012 à 17h21)

L'Agence France Presse (AFP) n'aime pas l'humour de l'Agence France Presque (AFPresque), et l'accuse de «contrefaçon» , «parasitisme» et «concurrence déloyale» dans une mise en demeure envoyée jeudi dernier par mail .

Créé en avril 2012, l'AFPresque est un compte Twitter dont les tweets sont repris sur un site internet et une page Facebook, qui se moque de l'actualité et des médias. Du genre: «Lionel Jospin serait à la tête de la commission du retrait de la vie politique» , ou «Bonjour à tous nos informés et autres informateurs. Nous serions le lundi 16 juillet 2012.» Rien de bien méchant. Sauf pour l'AFP.

L'agence accuse ainsi le compte Twitter de reprendre ses initiales AFP, son logo et sa couleur bleu distinctive: «Compte tenu des similarités visuelles, phonétiques et intellectuelles entre les signes en cause, votre reprise déloyale des marques de notre client génèrera inévitablement un risque de confusion entre votre activité et celle de l'Agence France Presse» , détaille la mise en demeure. Le slogan de l'AFPresque -- «L'actu qui se dépêche, c'est presque de l'info» -- ne leur a pas plu davantage, l'AFP estimant qu'il associe son travail «à une information partielle et/ou erronée [et] dénigre [son] image» , alors qu'elle «a fait de son sérieux dans le traitement de l'information sa marque de fabrique» .

L'AFP exige donc que l'AFPresque supprime «toute référence à AFP» , le «nom de domaine afpresque.com» , la couleur bleue, et demande «à ne plus utiliser à l'avenir de signes présentant des similarités avec l'AFP» . Et réclame au passage 2000 euros pour les frais engagés, ainsi qu'une somme supplémentaire qui reste à déterminer selon l'audience du site, le nombre de followers sur Twitter et de fans sur Facebook.

Derrière AFPresque se cache un homme (qui a voulu garder l'anonymat) d'une trentaine d'années qui travaille dans la communication, a-t-il expliqué à Ecrans.fr. Il «tien[t] ce compte pour qu'on se marre un peu» comme un «hobby» , et assure ne pas en tirer d'argent. Après avoir reçu la mise en demeure, il a d'ores et déjà fermé le site de «l'agence», et changé son logo.

Contacté vendredi par le community manager de l'AFP et son conseiller juridique, lors d'une discussion qualifiée de «cordiale mais ferme» , le tenancier d'AFPresque a finalement conclu un accord: le caricaturiste s'engage à changer de nom et de logo (ce qui est déjà fait), et à ne pas utiliser les initiales AFP. En fin de semaine, AFPresque est donc devenu Rédac France Presque (RFPresque). Toutes les références à l'AFP ont été supprimées.

Sauf que, sur le plan de la loi, il n'est pas sûr que l'AFP ait raison, comme l'affirme le célèbre avocat blogueur Maitre Eolas .

Le créateur de l'AFPresque en a bien conscience, comme il nous l'a dit: «J'ai l'impression d'être dans mon droit, mais je n'ai pas envie de poursuivre l'affaire en justice pour le savoir. Je n'ai pas les épaules, surtout financières, pour aller plus loin. Le côté procès ne me tente pas du tout.»

Une affaire similaire, révélée par Rue89 , avait opposé le magazine Madame Figaro et une personne portant le nom de famille Figaro, qui tenait le blog La Classe de madame Figaro . De la même manière, le magazine avait envoyé une mise en demeure la menaçant de poursuites judiciaires. Sous la pression, le blog avait fini par changer de nom... avant que le tollé soulevé en ligne par cette affaire n'oblige le Figaro à lui permettre d'utiliser les termes «Madame Figaro».

Une même mauvaise publicité a entouré les menaces de l'AFP envers l'AFPresque, qui a reçu des centaines de messages de soutien sur Twitter. Jeudi, le compte Twitter de l'AFPresque comptait environ 3000 followers. Ils sont plus de 6000 aujourd'hui à suivre RFPresque .

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