Adobe : «on peut imaginer que Flash passe en open-source»

par Sébastien Delahaye
publié le 7 février 2008 à 16h39
(mis à jour le 25 mars 2010 à 13h17)

Sur le net, il y a les grands noms: Google, Yahoo, Mozilla, Microsoft... et puis il y a Adobe, auquel on pense moins souvent, mais qui est partout. L'entreprise, autrefois spécialisée dans les logiciels professionnels (Photoshop pour la retouche d'images, Premiere pour le montage video, Acrobat pour la publication de textes...) a racheté l'éditeur Macromedia fin 2005.

Depuis, Adobe contrôle le destin du format Flash, utilisé partout sur le web: vidéo en ligne, streaming audio, jeux chronophages divers, interfaces de sites web... Adobe estime que Flash est installé chez environ 99% des machines accédant à Internet. Cette discrète suprématie est devenue encore plus importante depuis que le marché de la vidéo sur le web a explosé en 2006.

Simon Hayhurst, directeur des produits de vidéo numérique chez Adobe, et Frédéric Massy, directeur marketing Europe, ont répondu à nos questions sur cette évolution.

En quelques années, Adobe a complètement changé de direction, passant d'une entreprise de logiciels à une des plus grosses entreprises derrière le web aujourd'hui. Quelle était la stratégie derrière tout ça ?

Simon Hayhurst: Ca vient de notre réflexion sur le processus créatif. Nous nous sommes aperçus qu'avec Internet, ce processus évoluait. On passait de l'édition assez simple de photographies et de vidéos vers quelque chose de plus compliqué, la création interactive. C'est devenu une composante de plus en plus importante de la création. On y réfléchissait depuis déjà un moment. Et quand nous avons eu l'occasion de racheter Macromedia, qui éditait déjà Flash et des outils de création pour le web, nous nous sommes aperçus que c'était parfait pour notre évolution.

Aujourd'hui, Flash est pratiquement le standard de fait pour la vidéo sur le web, un secteur qui grandit très vite. Cependant, Flash est toujours un format fermé et propriétaire. Comptez-vous l'ouvrir un jour?

SH: Notre but est de créer des produits qui sont largement adoptés par le public et qui deviennent des standards. Mais nous souhaitons contrôler le rythme d'évolution de Flash, pour éviter une fragmentation des utilisateurs. Nous considérons que nous devons faire ce qui correspond le mieux aux intérêts des internautes. Par exemple, nous supportons toujours SVG, un format ouvert concurrent de Flash, même si nous nous en occupons moins que de Flash. La grande majorité des internautes utilise Flash et veut ses fonctionnalités. Notre but, c'est de suivre ce que veulent nos utilisateurs. En un sens, ils ont le contrôle.

Frédéric Massy: Flash n'est effectivement pas open-source pour l'instant, mais nous ne sommes pas contre. PDF, qui est notre autre grand format, pour la publication de documents, a été rendu public et donné à l'ISO. Mais c'était un format plus mature, qui avait déjà bien évolué. Pour Flash, on souhaite garder la maîtrise pour l'instant. Le web est un environnement qui évolue très vite, et nous avons les équipes de R&D; pour faire avancer Flash comme il faut. Mais on peut imaginer que, le moment venu, quand le format sera à son tour plus mature, Flash passe également en open-source.

Le W3C a récemment proposé un premier brouillon pour HTML5 , qui propose une balise pour simplifier l'ajout de vidéos dans les pages web...

SH: C'est une bonne nouvelle. C'est toujours difficile de créer un nouveau standard qui sera largement adopté par les utilisateurs et les logiciels, mais j'espère que ça marchera.

Flash a changé la façon dont on a de la vidéo, de l'audio et des jeux sur le web. Adobe contrôle Flash. Vous pensez déjà à de nouveaux usages pour le web?

SH: Oui, nous avons quelques projets liés à Flash. Nous avons un Media player en développement , pour tirer parti de la vidéo sur Internet. C'est un secteur qui a en fait tout juste démarré, et qui a une courbe de croissance incroyable. Le Media player permettra de mieux en profiter. Et puis il y a AIR , qui est une technologie permettant de créer des applications classiques, mais reliées aux sites web. C'est un outil pour être toujours connecté, même sans ouvrir le navigateur web.

Vous avez aussi d'autres projets en cours de développement, notamment une version online de Photoshop, prévue pour cette année...

SH: Je ne peux pas vraiment en parler, mais l'idée, c'est de déplacer nos logiciels sur le net, avec Flash. Ce ne seront pas les versions les plus avancées, mais ça permettra d'éditer ses photos facilement comme avec Photoshop Elements, par exemple.

FM: Photoshop représente toute une famille de produits. Ce qu'on va proposer, c'est Photoshop Express, qui ne sera évidemment pas aussi complet, pas aussi avancé que les autres Photoshop. Ca va être quelque chose de très simple, de très grand public. L'idée derrière Photoshop Express, c'est la même que pour le reste de notre évolution: on fait des logiciels, maintenant on veut fournir des services. C'est d'ailleurs une logique qu'on retrouve aussi dans l'offre de rachat de Microsoft sur Yahoo en ce moment.

_ Pour Photoshop Express, on va reprendre le modèle qu'on utilise pour Premiere Express , qui est la version online de Premiere. C'est-à-dire un modèle économique basé sur la publicité, mais aussi sur le partage de revenus et le partenariat avec des sites.

Vous comptez proposer également de l'hébergement d'images, façon Flickr?

FM: Non, ça n'est pas notre métier. On se concentre plutôt sur la création de contenus. Mais on peut imaginer des partenariats pour l'hébergement d'images.

Vous avez également acheté Buzzword , un outil de traitement de texte sur le net. C'est un nouveau changement de direction?

FM: On faisait déjà de la bureautique auparavant avec Acrobat, qui est surtout orienté vers la diffusion sécurisée et confidentielle de l'information. Pour nous, cet outil de traitement de texte, ça s'ajoute à notre chaîne de services. On l'a aussi racheté parce que Buzzword est fait par des gens qu'on connaît et qui utilisent nos technologies (Flex et AIR). C'est à la fois un service supplémentaire, mais aussi une démonstration de nos technologies pilotes.

Justement, que pensez-vous de Silverlight , qui est un concurrent direct d'AIR?

SH: Le fait que Microsoft se mette en concurrence avec nous est une très bonne nouvelle, c'est une belle façon de valider le fonctionnement notre technologie. Nous sommes pour la compétition, nous considérons que cela offrira plus de choix aux internautes, ce qui est au final une bonne chose.

Vous vous êtes lancés dans un partenariat avec la Fondation Mozilla pour créer le projet Tamarin . Qu'est-ce que c'est ?

FM: C'est un peu technique. En fait, dans Flash 9, nous avons ce qu'on appelle une machine virtuelle Javascript [ndlr: en simplifiant, il s'agit un petit morceau de logiciel utilisé ici pour rendre interactives certaines parties des sites] , et nous trouvons qu'elle marche très bien. Nous avons donc décidé d'ouvrir le code de cette machine virtuelle. Et l'idée du partenariat, c'était d'aider la Fondation Mozilla à utiliser cette machine virtuelle open-source pour la prochaine version de leur navigateur web [ndlr: ce sera pour Firefox 4, la sortie de la version 3 étant maintenant proche] .

_ Les navigateurs ont besoin d'une marchine virtuelle qui marche bien, avec de très bonnes performances. Cela permet plus d'interactivité, un contenu plus riche pour les internautes. C'est ça le projet Tamarin. On a travaillé avec la Fondation Mozilla pour une meilleure intégration. Ca va aussi avec notre vision d'un web interopérable. Contrairement à Microsoft ou Apple, nous n'avons pas de système d'exploitation à défendre. Notre modèle, c'est de fournir des outils de création avancés, permettant d'avoir des contenus riches. Finalement, peu importe le contenant.

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