Afrique : un salon à l'attaque du low-tech

publié le 25 octobre 2012 à 17h00

Ce salon high tech ressemble à n'importe quel autre en Californie... Sauf que les jeunes entrepreneurs sont africains, et qu'ils ont mis toute leur ingéniosité à concevoir des applications aussi «low tech» que possible pour conquérir l'immense marché des télécoms de leur continent. Le salon Demo Africa a ouvert ce matin à Nairobi pour sa première édition, et doit durer deux jours. Lors des conférences, de jeunes gens -- la trentaine au plus -- doivent convaincre en moins de cinq minutes chrono un auditoire de deux cents personnes, déjà très occupées à jongler entre smartphone et tablette, qu'ils sont le Steve Jobs africain.

«Nous sommes à la page 8 du catalogue et au stand 6, nous espérons que c'est là que vous mettrez votre argent, car il vous reviendra avec des intérêts» , promet Mwema Jacob, cofondateur de la société kényane mTracker, à l'issue de sa présentation. mTracker propose aux automobilistes une application permettant d'utiliser leur téléphone mobile pour localiser leur véhicule, déclencher ou éteindre le moteur et l'alarme. Pas inutile à Nairobi où les vols avec violence sont quotidiens, selon la police.

Les présentations de ce jeudi matin concernent les applications pour téléphone mobile, cet outil qui a révolutionné l'Afrique depuis une décennie. Plus de 500 millions d'appareils sont désormais utilisés sur le continent, soit à peu près un pour deux habitants. Une explosion en partie à l'origine du décollage économique récent du continent.

Une moyenne de dix téléphones supplémentaires pour cent personnes augmenterait le PNB d'un pays en voie de développement d'au moins 0,8% selon la Banque Mondiale. D'où la nécessité pour les ingénieurs en informatique africains de s'adapter aux spécificités de leur marché. «Nous avons beaucoup d'idées qui marcheraient bien dans le "premier-monde" [par opposition au tiers-monde, ndlr], mais pas ici» , explique Mem Maina, 32 ans, co-fondateur de M-Kazi .

Cette application, dont le nom veut dire «boulot» en swahili, propose des offres d'emploi par SMS. Lancée il y a cinq mois sur le marché kényan, elle utilise la plate-forme USSD, disponible sur n'importe quel téléphone mobile. «Même le plus basique» , souligne cet ingénieur en informatique. «Dans un pays comme le Kenya où 6 millions de personnes seulement ont un accès correct à internet, et entre 20 et 25 millions accèdent à des SMS, cela va de soi d'utiliser les SMS» , ajoute-t-il.

La démonstration en a été faite par M-Pesa , l'application désormais quasi-mythique pour transfert d'argent via téléphone mobile, qui a essaimé largement en Afrique et au-delà depuis son lancement par la société de téléphonie mobile Safaricom au Kenya en 2007.

Dans un continent caractérisé par sa jeunesse et son chômage, les applications liées au marché du travail se multiplient.

mPawa (pour power , «pouvoir») se spécialise sur le marché des «cols bleus», les travailleurs manuels et peu qualifiés. «Près de 75% du marché du travail en Afrique répond à cette définition» , relève Maxwell Kofi Efrem Donkor, venu du Ghana pour présenter son produit. Le jeune homme s'est inspiré d'expériences similaires en Chine et au Brésil, et il espère se développer dans toute l'Afrique.

«Une fois que votre concept est bien au point, il est facile de l'étendre à tout le continent» , relève Paul Nguru, PDG d'une agence de conseil en investissement. Les jeunes gens en T-shirt, se disant «très stimulés» d'être là, pianotent leur téléphone et enchaînent les «démos» sous les encouragements du Monsieur Loyal de l'événement ( «allez, montrez leur votre amour !» , lance-t-il à la salle un peu somnolente).

Des experts un peu plus âgés soulignent que nombre de ces applications nécessitent sans doute bien des réglages avant de devenir la poule aux œufs d'or. Mais aucun ne paraît douter des perspectives du marché africain. Shiv Shivakumar, premier vice-président de Nokia en charge de l'Inde, du Moyen Orient et de l'Afrique, compare la jeunesse démographique et l'explosion des télécoms en Afrique avec les États-Unis des années 50, quand la jeunesse a rencontré la voiture et la télévision. «Il y a quelque chose d'unique en Afrique, c'est l'endroit sur lequel il faut parier dans la décennie à venir» , assure-t-il.

(AFP]

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