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Libération

Albanel les pieds dans le PAF

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 9 octobre 2007 à 0h37

Cannes

envoyés spéciaux

Christine Albanel reprend la main. Hier au Mipcom, elle a été très claire : «Il n'y a qu'un seul ministre de la Communication, il est rue de Valois !» Et pan dans les dents de Georges-Marc Benamou, conseiller spécial auprès de Nicolas Sarkozy, autoproclamé éminence grise du PAF (lire aussi en page 3).

Afin de bien montrer les siennes, de dents, Albanel a annoncé du coup la mise en oeuvre de quatre chantiers qui doivent mener à une vaste réforme de la loi sur l'audiovisuel, rien de moins : la législation entre producteurs et diffuseurs, la publicité, France Télévisions et les seuils de concentration. Sur ces trois dernier dossiers, la ministre n'a fait que tracer quelques pistes mais le premier des chamboulements est en revanche déjà engagé avec une mission confiée hier par Christine Albanel à David Kessler, directeur de France Culture, et à l'ancien député UMP Dominique Richard. Il s'agit de remettre à plat les décrets Tasca qui obligent les chaînes à investir 16 % de leur chiffre d'affaires dans la production audiovisuelle, dont les deux tiers doivent aller à la production indépendante. En clair : les télés n'ont pas le droit de produire leurs émissions en interne ou alors à la marge.

Audience. Et les producteurs indépendants en question ne sont pas tous de gentils hippies qui fabriquent leurs fictions à la main, par exemple les sociétés de production appartenant au groupe Lagardère sont considérées comme indépendantes. Autre hic des décrets Tasca, ils limitent les droits de rediffusion des fictions (trois sur 42 mois), or aujourd'hui avec la part d'audience grossissante de la TNT (autour de 17 %), de nouveaux espaces de diffusion s'ouvrent. Conclusion d'Albanel : «Ces décrets ne sont plus adaptés à l'ère du numérique.» Facile à dire mais les revendications des chaînes et des producteurs vont à l'opposé : les premières réclament d'être propriétaires des fictions qu'elles achètent et de pouvoir en disposer comme bon leur semble. Les seconds voudraient, quand ils font un téléfilm pour TF1, pouvoir vendre d'autres diffusions à des chaînes du câble et du satellite. Or, souligne un des producteurs invités à déjeuner hier avec Albanel, «le problème, c'est que les grandes chaînes gèlent les droits câble et satellite, DVD et VOD [vidéo en ligne, ndlr] pendant les 42 mois que dure leur exclusivité».

«Innovation». C'est qu'entre chaînes et producteurs, l'ambiance est tendue : «Il y a un vrai problème de confiance entre les diffuseurs et nous, explique un producteur, les chaînes nous disent : Tiens, on a fait une étude de marché, il faut toucher telle cible et il faut tu prennes telle actrice. Résultat, ça donne du formaté.» Et le formaté, bien sûr, Albanel n'en veut pas : «Nous ne devons pas cloner les séries américaines.»

Ambiance de plomb soudain : à la table ministérielle, touché par le Scud d'Albanel, Takis Candilis, directeur de la fiction de TF1 qui vient de se prendre une mémorable pelle avec l'Hôpital, copié-collé sur Grey's Anatomy, lève ses noirs sourcils au ciel. Ce qu'elle veut, Albanel, c'est de «l'innovation» et ce, «dès le travail d'écriture» par le biais d'une augmentation de 17,7 % des aides en faveur de la production audiovisuelle.

Enfin, la ministre entend que les investissements des chaînes de télé se concentrent à 85 % sur les oeuvres dites patrimoniales, à savoir fictions, dessins animés ou documentaires. Les 15 % restants sont pour les magazines et la télé-réalité, que les chaînes peuvent faire entrer dans leur quota de production d'oeuvres françaises. Et ça, il en est une à qui ça ne fait pas du tout plaisir : M6, dont l'antenne est trustée par des magazines style Capital, au détriment des fictions. Croisé hier devant le bunker du Palais des festivals, Nicolas de Tavernost, patron de la Six, ne décolérait pas et parlait carrément de «censure». Houla.

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