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Libération

Allègre veut «engager enfin la démarche de régulation d’Internet»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 2 juin 2009 à 17h08
(mis à jour le 2 juin 2009 à 18h37)

Dans une tribune «Non à la commercialisation du gratuit» publiée jeudi dernier, 28 mai, dans le Point , Claude Allègre parle d'économie, de télévision, d'Internet. Du système d'échange «de nos ancêtres vivant dans des grottes aux abords des grands lacs africains» ... à la loi Hadopi.

L'ancien ministre de l'éducation nationale de Lionel Jospin livre ici un étonnant exercice de style. Soit une succession d'affirmations (et d'aberrations) sans détail, et surtout sans lien entre elles. A l'image de ce paragraphe : «Les journaux, toujours à l'affût de nouveaux supports, se sont investis dans Internet avec la même logique, celle du financement assuré par la pub. Des produits culturels ont été mis sur Internet avec l'objectif d'une redevance, mais rapidement tout a été piraté, copié, multiplié au nom de la gratuité. Les jeunes ont répondu à cette mode par un engouement enthousiaste, déçus qu'ils étaient par le monde réel et cherchant refuge dans un virtuel préformaté. Ils n'ont pas réalisé que, chemin faisant, sous couvert de modernisme, ils se mettaient dans un état d'aliénation vis-à-vis des marchands de tuyaux.» En un paragraphe, passer en revue l'économie des journaux, la copie, le piratage, l'intérêt désespéré des jeunes pour le virtuel (?) pour aboutir à la soumission de ces derniers aux fournisseurs d'accès à Internet. Fort.

«Organiser enfin cette jungle inextricable qu'est devenu Internet»

Après s'être réjoui de la suppression de la publicité sur la télévision publique, et la tenue d'Etats généraux qui pourraient rendre la presse plus indépendante, l'ancien ministre aborde ce qu'il nomme la «dernière péripétie» . La loi Hadopi. «C'est la première tentative pour organiser enfin cette jungle inextricable qu'est devenu Internet. Quelles que soient ses imperfections techniques, cette loi a plusieurs mérites. D'abord, d'engager enfin la démarche de régulation d'Internet : faire entrer ce merveilleux outil dans les règles.» Et de conclure : «Ensuite, de souligner que le moteur du progrès, c'est la création, qui doit être rémunérée et protégée. La gratuité dans le circuit commercial est un leurre qui, à terme, est une aliénation de l'esprit et un encouragement à la paresse intellectuelle.»

Le partage volontaire et gratuit des connaissances et des ressources qui, du logiciel libre à Wikipédia, est l'une des bases même d'Internet ne serait donc qu'une aliénation, un leurre à réguler ?

«Un édito consternant de contre-vérités»

Les réactions n'ont pas tardé. Un édito «consternant de contre-vérités» a réagi Tristan Nitot , de Mozilla Europe. «Ce n'est pas le don qui est un facteur d'aliénation, mais l'absence de liberté» , selon Ludovic Dubost , de XWiki, qui trouve particulièrement «choquante» la phrase : «la gratuité sans échange doit rester un monopole de la collectivité, de l'Etat, qui l'organise de manière à préserver l'équité» . «Comment, au 21ième siècle en arrive à rédiger et penser et pire même expliquer à d'autres de telles choses ?» s'indigne Jean-Michel Planche , de Witbe , qui invite l'ancien ministre à l' «introspection» suivante : «Nous gagnerons tous beaucoup de temps et votre intelligence serait mieux employée d'aider à faire entrer la France dans la civilisation du numérique debout, plutôt que couchée sur une civière.» .

Claude Allègre qui, votera UMP «sans état d'âme» et «sans aucune hésitation» aux Européennes, est pressenti pour faire partie du prochain gouvernement. Ca tombe bien, ce dernier prépare une nouvelle loi pour réguler un peu plus la «jungle» d'Internet.

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