Allemagne : la «Lex Google» veut faire payer les liens vers des articles de presse

publié le 6 mars 2012 à 14h47

La communauté internet allemande, réunie à Hanovre pour le salon spécialisé Cebit, protestait mardi contre un projet de Berlin d'obliger Google mais aussi certains sites d'actualités à rémunérer les grands éditeurs de presse. «Ce projet est totalement rétrograde» , s'est indigné auprès de l'AFP Bernhard Rohleder, directeur général du Bitkom, fédération allemande des professionnels de l'informatique. «Nous comprenons que les éditeurs cherchent de nouveaux revenus» face au défi de l'internet et de la gratuité, mais cette taxe «ne peut se substituer au développement de vraies stratégies pour l'ère numérique» .

Le projet de loi, rebaptisé par ses détracteurs «Lex Google» car il vise principalement le service Google actualités du géant américain, vient d'être entériné par la coalition constituant le gouvernement d'Angela Merkel, qui réunit les libéraux du FDP et les conservateurs de la CDU/CSU. Comme le réclament depuis longtemps les grands groupes de presse allemands tels que Axel Springer et Bertelsmann, le gouvernement va présenter aux députés allemands une loi qui obligera à l'avenir Google en particulier, mais aussi certains blogs et sites spécialisés à rémunérer les éditeurs des journaux vers lesquels ils proposent des liens.

L'argument des éditeurs: le lecteur de Google Actualités peut se contenter de lire les résumés présentés sur la page pour s'informer, sans forcément cliquer sur les liens et donc accéder aux sites des journaux eux-mêmes. Le géant américain, qui se rémunère via la publicité, profite ainsi du travail des rédactions sans débourser un sou. L'argument des opposants à ce projet, qui exceptionnellement voit Google et la communauté des défenseurs des libertés sur Internet parler d'une seule voix alors qu'ils sont plutôt habitués à s'affronter, est que les éditeurs veulent se faire payer pour des services qui leur font en réalité de la publicité.

Eric Schmidt, président du conseil d'administration de Google et l'un des invités d'honneur du Cebit cette année, a estimé auprès de l'agence allemande DPA que cette taxe «pourrait ralentir le développement d'Internet» . «C'est un peu comme si l'annuaire des Pages Jaunes devait payer les entreprises dont il donne l'adresse et le numéro de téléphone» , ironise pour sa part le blogueur Stefan Niggemaier à propos d'une taxe qu'il considère comme un cadeau du gouvernement au puissant lobby des journaux.

Pour M. Rohleder, deux scénarios catastrophe sont possibles. L'un serait que «Google ferme son service d'actualités en Allemagne» . L'autre que «Google et les régies des éditeurs trouvent un accord. Mais il serait très peu probable que d'autres sites (que Google) puissent payer les sommes ainsi définies. Ils risqueraient plutôt de disparaître (...) ce qui verrait l'émergence d'un monopole organisé par l'Etat» , déplore le directeur du Bitkom.

Outre Google, la taxe toucherait par exemple le site d'informations culturelles allemand Perlentaucher, dont le co-fondateur Thierry Chervel a dénoncé sur les ondes de Deutschlandradio Kultur un projet «absurde» qui n'aura jamais l'aval de la Cour constitutionnelle.

Les seuls échos positifs sont venus sans surprise des fédérations d'éditeurs de presse VDZ et BDZV, qui ont estimé que ce projet était «indispensable pour protéger à la fois le travail des éditeurs et des journalistes» , ainsi que pour assurer «la survie d'une presse indépendante» . Le syndicat des journalistes DJV a lui adopté un ton plus mesuré, en réclamant surtout que les journalistes soient associés de manière «équitable, transparente et raisonnable» aux recettes de la taxe.

(AFP)

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