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Libération

American Idol : pour le pire candidat, tapez sur Fox

Les votes en faveur du plus mauvais chanteur d'«American Idol» irritent la chaîne américaine.
par Thomas Devry
publié le 12 avril 2007 à 12h41
(mis à jour le 12 avril 2007 à 12h42)

Les électeurs ont toujours raison, même quand ils choisissent George W. Bush ou Silvio Berlusconi. Mais cet antique principe démocratique peut-il survivre à l'heure de la téléréalité ? C'est la question, étonnament complexe, soulevée en ce moment à la télévision américaine par l'émission American Idol , l'équivalent étoilé de Nouvelle Star, qui bat tous les records d'audience aux Etats-Unis. Le show est actuellement confronté à une insurrection qui teste les limites du principe démocratique de l'électeur-spectateur. Un groupe de facétieux saboteurs a en effet décidé de mener une campagne d'encouragement à voter... pour le pire des candidats.

Voilà donc Sanjaya Malakar, un gringalet de 17 ans d'origine indienne qui, en dépit du fait qu'il chante faux, oublie les paroles, bouge comme une enclume et semble s'habiller dans les poubelles de scène de Madonna, a réussi à s'incruster parmi les huit finalistes. Le jury se moque de lui, les critiques musicaux le ridiculisent, et son fan-club semble réduit aux gamines de huit ans, mais il est devenu la pire menace pour l'émission depuis qu'un site Internet (Vote for the worst) a décidé de faire de lui son champion. L'idée de faire dérailler la mécanique bien huilée d' American Idol a germé dans l'esprit de Dave Della Terza, un jeune professeur : «Lors des auditions, les producteurs éliminent des gens talentueux afin de garder des postulants médiocres, mais amusants, qui pourront être tournés en dérision lors des premiers tours, afin de faire de la "meilleure" téléréalité. Nous avons décidé de pousser la logique jusqu'au bout en soutenant le candidat le plus mauvais.»

Cette malicieuse initiative aurait pu en rester au stade de la blague potache si l'animateur de radio Howard Stern n'avait décidé de rejoindre le mouvement, en incitant ses millions d'auditeurs à voter pour Sanjaya Malakar «dix fois, vingt fois, trente fois, autant que vous le pouvez» . Spécialiste de la provoc et de la controverse, Howard Stern ne pouvait laisser passer une si belle occasion de «ruiner le show numéro un de la télé» .

Fox, la chaîne qui diffuse cette vache à lait (32 millions de téléspectateurs en moyenne, des disques qui se vendent par millions...) a dû réagir. D'abord en menaçant les votants : le juge le plus populaire de l'émission a averti qu'il claquerait la porte si Sanjaya parvenait en finale. Las, l'histrion a franchi deux tours supplémentaires. Ensuite, Fox a envoyé un de ses porte-parole devant la presse pour moquer l'influence de Stern et de Della Terza : «Grâce à nos trente millions de votants, personne ne peut téléguider le résultat.» Seul problème : Fox refuse depuis des années de rendre public le décompte électronique des voix, qui permettrait de vérifier cette assertion.

Finalement, la chaîne a choisi le mépris en se disant «convaincue que Sanjaya ne gagnera pas et que, de toute façon, c'est le choix de l'Amérique et pas le nôtre !» Exactement. Mais Fox est-elle prête à voir l'émission devenir une farce et risquer le naufrage de cette lucrative franchise ? On peut en douter. Après tout, elle avait été la première chaîne à donner Bush vainqueur en 2000, alors qu'il possédait un demi-million de voix de moins que son adversaire Al Gore... Il faut savoir protéger ses investissements.

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