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Libération

App Store ses griffes

par Marie Lechner
publié le 7 janvier 2010 à 0h00

Se faire remarquer parmi les plus de 100 000 applications de l'App Store n'est déjà pas une mince affaire. Encore faut-il passer les portes de la boutique d'Apple. Côté développeurs, la grogne enfle contre la firme californienne qui a toute latitude de valider ou non les applications qui lui sont soumises par wagon chaque semaine. Apple dit recevoir désormais plus de 10 000 soumissions hebdomadaires, expliquait Philip W. Schiller, vice-président senior d'Apple à Business Week. La majorité passe le drastique processus de validation sans encombre.

Parmi les refusés, 90% le seraient pour des raisons techniques, des bugs dans le logiciel. Quelque 10% sont jugées inappropriées et retournées à l'envoyeur : «Parmi les applications, certaines volaient des informations personnelles, d'autres aidaient le consommateur à enfreindre la loi, ou renfermaient des contenus illicites», se défend le chef du marketing international. Pour Apple, cette procédure est un mal nécessaire afin de conserver la confiance de sa clientèle. Schiller compare le rôle d'Apple à celui d'un «détaillant» qui choisit quels produits il présente dans ses étals. Une garantie de qualité et l'assurance que les applications ne vont pas crasher la plateforme.

Secret. Les recalés ne l'entendent pas de cette oreille, et les critiques fusent sur la manière dont fonctionne le processus d'approbation. Certains parlent de roulette russe, de critères opaques et incohérents et demandent davantage de transparence. Adam Martin, développeur anglais, a lancé Apprejections.com, où il recense plusieurs cas exemplaires d'applications rejetées de façon injuste, illustrant les errements de la firme à la pomme. «Apple a un processus secret, non documenté, non discutable, semi-aléatoire, pour décider quelles applications seront autorisées dans l'App Store», écrit-il. Il cite le cas de l'inoffensive application Minipops, dessins de célébrités miniatures qui ont fait le succès du site web Flip Flop Flyin', retoquée une première fois en mai parce qu'elle «ridiculise des personnages publics». Soumis à nouveau dans une version quasi identique, l'appli Minipops sera cette fois acceptée…

Pareil pour le «prout» qui se déclenche lorsqu'on déverrouille l'iPhone. Recalé en raison d'une «utilité limitée» avant d'être accepté et de devenir un hit. D'autres n'auront pas de seconde chance. Ainsi de Myshoes, petit jeu de lancer de chaussures présidentiel, ou d'Iboobs, gros plan sur des seins en 3D qui rebondissent quand on secoue son téléphone. En revanche, les prudes vérificateurs de l'App Store ont donné feu vert à Baby Shaker, qui consiste à secouer vigoureusement son iPhone et ainsi faire taire le bébé braillard. Avant de l'interdire devant les réactions outrées de parents.

«Les applications ne doivent pas renfermer de contenu obscène, pornographique, offensant ou diffamatoire», justifie Apple. Assez vague pour laisser une marge d'interprétation. Ainsi le contenu de l'appli South Park, qui devait permettre de visionner les épisodes du cartoon satirique sur son smartphone, a été jugé «potentiellement choquant», alors que les épisodes sont vendus dans iTunes. Idem pour la mise à jour de l'appli du groupe Nine Inch Nails, rejetée en raison d'un «contenu choquant» détecté dans un morceau par ailleurs disponible sur iTunes.

Autre motif de recalage, les applis qui pourraient entrer en concurrence avec les produits d’Apple. Ainsi de Google Voice, accusé de reproduire des fonctionnalités présentes sur l’iPhone, rejet qui a valu à Apple une enquête de l’agence américaine chargée des télécoms.

Hackés. Pour améliorer les relations avec les développeurs, Apple a étoffé son équipe chargée des vérifications et vient de faire un tout petit pas vers la transparence, en affichant le statut de l'application : en attente de vérification, en revue, prêt à la vente.

Mais, pour ceux qui ont investi du temps et de l’argent dans le développement d’une application rejetée, la décision arrive un peu tard. Fatigués de se voir refuser l’entrée de l’App Store, unique canal officiel de distribution des applis mobiles, ou simplement excédés par les délais de plus en plus longs pour obtenir une réponse, qu’elle soit positive ou négative, les refusés commencent à s’organiser. Certains décident de sortir rapidement les logiciels pour des iPhones hackés («jailbreakés»). Ce qui permet d’outrepasser les restrictions d’Apple et de télécharger des applications non autorisées sur des «app store» pirates (Cydia, Rock Your Phone…).

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