Arrêt sur images : la télé en ligne de mire

Présent depuis plus d’un an, Daniel Schneidermann tente de fidéliser ses abonnés.
par Frédérique Roussel
publié le 20 avril 2009 à 17h01

Ligne jaune. Le nom de la nouvelle émission d'Arrêt sur images (arretsurimages.net) lui va bien. Cette expression évoque un horizon indépassable. Peut-être pas sur la Toile. «Internet a fait bouger des choses, entre visible et invisible, entre vie privée et vie publique… Il fallait un lieu de confrontation entre acteurs des vieux et des nouveaux médias, c'est terrifiant à quel point ils ne débattent pas» , souligne Daniel Schneidermann, également chroniqueur à Libération. C'est Guy Birenbaum qui a pris le manche de Ligne jaune , mise en ligne tous les quinze jours. Celui qui tient par ailleurs un blog sur Le Post a un potentiel d'animateur télé selon Schneidermann, et une capacité à s'intéresser à des histoires qui résonnent bruyamment en ligne, comme la grande question de savoir qui est le père de la fille de Rachida Dati.

Autre émission récente, littéraire celle-là. Intitulée Dans le texte et animée par Judith Bernard, elle réunit deux chroniqueurs, Frédéric Ferney et Eric Naulleau. Une première prestation du duo avait conquis les internautes qui en ont redemandé. A chaque fois, un écrivain passe à la question. Gros avantage : il n'y a pas de limite temporelle sur le Net, ligne jaune de la télévision de salon. L'émission avec Régis Debray a ainsi duré 73 minutes. «L'absence de formatage change la vie, explique Daniel Schneidermann. J'ai toujours rêvé d'un journal qui pourrait passer de 20 à 50 pages et, au début, j'étais grisé par cette liberté.»

Arrêtsurimages.net, dix salariés dont quatre journalistes et qui a fêté son premier anniversaire en janvier dernier, s'offre une relance. Les deux nouvelles émissions permettent aussi de rafraîchir la grille de la chaîne diffusée sur Free. «Si on reste dans un aléatoire, les gens sont perdus. Pour fidéliser, il faut quelques rendez-vous.» Schneidermann tient donc chronique tous les matins. Il reconnaît qu'il avance au doigt mouillé. «Nous sommes dans l'expérimentation permanente. Nous lançons des lignes pour voir ce qui amorce.» Après un an d'expérience de payant sans publicité, Arrêt sur images a toujours le sentiment de vivre sur des sables mouvants. «Si le téléspectateur est plutôt fidèle, l'internaute trouve le plaisir dans l'infidélité.»

Fort de sa notoriété après l'arrêt de son émission sur la critique des médias, l'ex-animateur de France 5 avait attiré dans son sillage pas moins de 30 000 personnes prêtes à débourser 30 euros pour une année. Fin 2008, 43 000 abonnements avaient été souscrits mais qui ont décru à 30 000 début 2009. Un chiffre suffisant pour être à l'équilibre. Le taux de réabonnement a été de 55 %. Les internautes ne se seraient pas réabonnés tout de suite. «Le grand adversaire des nouveaux médias, lance Schneidermann , c'est l'inertie, celle d'une partie des abonnés qui ne voit pas le moment du renouvellement.» Il songe du coup à faire des abonnements par tacite reconduction.

Comment les internautes fréquentent-ils le site ? La plus forte audience pour une vidéo varie entre 25 000 et 30 000, la moyenne étant de 12 000 vues. Les pics de fréquentations s'observent les vendredis, samedis et dimanches, dans la foulée de l'envoi de la Gazette , la newsletter hebdomadaire. Les bugs du début se sont un peu calmés. Certains usages sont même en train d'apparaître, selon Schneidermann : «Plein de couples nous disent qu'ils nous regardent le samedi matin au lit ou même le dimanche matin en déjeunant, l'ordinateur sur la table.» N'y aurait-il plus de ligne jaune entre télé et Internet ?

Article paru dans Libération le 20 Avril 2009

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