Assauts de mochitude sur le Web

Le flop esthétique du site Désirs d'avenir a révélé tout un pan de laideur sur la Toile qui, en vingt ans, en aura vu de toutes les couleurs.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 3 octobre 2009 à 8h24
(mis à jour le 3 octobre 2009 à 16h13)

Oh que c'est moche ! La réaction des internautes à la découverte du site Désirs d'avenir a été unanime et implacable. Mais qu'est-ce qu'un site laid ? Le web a à peine vingt ans, et déjà une histoire, une culture graphique bien ancrée. Comme partout, les modes évoluent au fil des années. Elles suivent les changements techniques et l'évolution de la puissance des ordinateurs.

En 1993, c'est l'apparition de Mosaïc , le premier navigateur stable. A cette époque, peu de designers professionnels travaillent sur ce nouveau support, car très technique. Les sites sont alors réalisés par des développeurs ou des amateurs débrouillards sans connaissance graphique. Et pour une bande passante très limitée. Les interfaces utilisateur sont donc avant tout conçues pour être lisibles et rapidement affichées. La simplicité des pages côtoie souvent un manque de goût manifeste, notamment dans le rapport des couleurs. Il faudra attendre deux-trois années avant que des graphistes s'emparent du médium, et que se développe le métier de web-designer.

Le site Hosanna's

Et la palme du vilain est attribuée à... En 2008, le site d'info Havenworks était jugé «le site le plus laid du monde» par les utilisateurs du site Digg. Et les listes et concours de pages moches fleurissent régulièrement sur le net. Y figurent aussi bien des sites personnels que professionnels ; certains ont gardés leurs habits d'antan, alors que d'autres ont juste dix ans de retard. Parmi nos préférés, on citera Hosanna1 et son animation de chien Afghan ailé, Yvette's (qui vend des robes de mariées) déconseillé aux épileptiques, ou encore le site du Compendium de l'Occlusodontologie (!) et son inimitable fond en drapé bleu. Mais qu'ont-ils fait pour mériter ça ? Aujourd'hui, le site hideux (et ringard) se caractérise par l'utilisation de : couleurs flashy et en disharmonie (vert fluo sur fond violet), des dégradés, des ombrages, des images qui clignotent, des logos qui tournent, des frames, la police de caractère Comic Sans , etc. Un site, Welcome to the World's Worst Website! (Bienvenue sur le Pire Site au Monde !) répertorie les principales erreurs à éviter pour passer pour le André Rieu du design. D'autres, par contre, réutilisent et détournent volontairement ces codes. C'est le cas du site officiel de la chanteuse anglaise M.I.A .

Le site du Compendium de l'Occlusodontologie

«Le laid est beau et le beau est laid» écrivait Shakespeare dans MacBeth . Comme le gilet couleur moutarde si décrié il y a quelques années est réapparu cet hiver dans les boutiques, le laid d'aujourd'hui est-il le beau de demain ? Il est difficile d'ériger les tendances actuelles du design web, et encore plus de prévoir celles de demain. Notamment car il est très différent selon le type de contenu. Un site d'actualité, le portfolio d'un artiste ou le site marketing d'un nouveau produit n'ont pas du tout les mêmes exigences en terme d'ergonomie et de fonctionnalité. Il y a toutefois des grandes orientations qui se dégagent, tel l'abandon du flash et du javascript. A côté, il y a les sites hors code, et hors mode. Le meilleur exemple est la page d'accueil du moteur de recherche Google. Quand il a été lancé en 1997, les concurrents (Yahoo, Altavista, etc.) affichaient des pages pleines d'information. Google a misé sur la simplicité. Et, depuis, malgré les milliards engrangés, il n'a jamais changé : un logo, un champ de recherche et quelques boutons, et du blanc. Plein de blanc.

Paru dans Libération le 1er octobre 2009

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus