Au Portugal, «Público» suffoque

par François Musseau
publié le 23 octobre 2012 à 11h00

Une grève de la rédaction tout entière. Le prestigieux journal portugais Público a connu pour la première fois cette drôle d'expérience. C'était vendredi. Hier, la tension demeurait vive entre la direction et les journalistes après l'annonce d'un plan social d'une dureté sans précédent : sur les 250 salariés, 48 ont été licenciés, dont des membres importants de la rédaction. Selon la direction, c'est une question d'impuissance face à une conjoncture très défavorable qui touche l'ensemble d'une économie en récession (- 3%), avec des mesures d'austérité qui ont provoqué, en septembre, deux protestations d'importance dans les rues de Lisbonne et d'autres grandes villes.

Comme dans la plupart des secteurs, la presse écrite portugaise est en pleine sinistrose. «Ce que je peux vous dire, c'est que la situation est très compliquée, confie la directrice de Público , Barbara Reis. En six mois, les revenus publicitaires ont chuté de 29%.» Des quotidiens comme Diario de Noticias ou Jornal de Noticias souffrent également de cette dégringolade des recettes et des ventes.

La grève à Público , dont le propriétaire est Sonae (une des principales entreprises du pays), a coïncidé avec plusieurs jours de paralysie au sein de l'agence de presse Lusa. La situation des médias est si critique que le Syndicat des journalistes (SJ) a convoqué, pour le 24 novembre, un congrès sur «la difficile conjoncture de la presse».

L'ancien président de l'agence Lusa, José Manuel Barroso (un homonyme), a des paroles dures contre les mouvements sociaux au sein des entreprises de presse qui, à ses yeux, subissent mécaniquement la logique de la chute de l'activité économique : «Ce qui se passe dans les médias, même si c'est rude, était à attendre. Vu la situation, les journalistes doivent s'efforcer de voir leur média comme une entreprise.»

Un point de vue trop simpliste aux yeux de l'ancien directeur de la chaîne publique RTP2, Jorge Wemans : «On paie aujourd'hui le prix de négoces ruineux, où les groupes de communication n'ont pensé qu'en terme de parcelles de pouvoir et de rentabilité à court terme.»

Paru dans Libération du 22 octobre 2012

De notre correspondant à Madrid

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