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Libération

Au Post, le popu paie

Web. Le site d’information, créé il y a un an par le «Monde», mêle contributions d’internautes et modération par des journalistes.
par Frédérique Roussel
publié le 7 octobre 2008 à 6h51

Le Post a été lancé sans vacarme en septembre 2007. Cette excroissance pas du tout assumée par le Monde interactif, filiale du Monde et de Lagardère, ressemblait en effet à n'importe quoi sauf à son grand frère Lemonde.fr. Après un an d'existence, le site d'information populaire a forci. Et le «1 an» qui côtoie actuellement le logo semble joyeux. Même si sa baseline, le slogan «le mix de l'info» (détourné en significatif «poubelle de l'info» par des blogueurs), a disparu. En août 2008, Lepost.fr était crédité de 3,4 millions de visites, contre 1,5 million en janvier, selon les chiffres OJD, devant les sites de l'Express et du Poin t, et talonnant même celui du Parisien. Lepost.fr, ovni décomplexé de la génération de sites d'information participatif, peut pavoiser un peu. Le mélange des genres fait de l'audience.

Buzz. Titre en tête de la page d'accueil hier à 11 heures : «Bernard Laporte : "Je ne suis pas le père de l'enfant que porte Rachida Dati"», «Les Fourniret divorcent» à 14 h 14, «Résisterez-vous à René ?» à 15 h 38, «Pas de charges retenues contre le médecin du Samu de Valence» sous le surtitre «Pas clair» à 16 h 03… Le Post traite de tous les sujets, privilégiant les faits divers, le buzz sur Internet ou le people. Il est peut-être un peu moins trash et tapageur qu'à ses débuts. Quoique… C'est fait exprès, défend Benoît Raphaël, son rédacteur en chef : «Le Post est un média de conversation. Il ouvre des conversations autour de l'actualité, comme autour de ce qui peut se dire devant la machine à café. Il traite aussi de tout ce qui ne passe pas dans les médias traditionnels.» En tant que prototype, le site n'a pas hésité à forcer la dose dans le créneau très populaire. Au fil des mois, la mécanique s'est ajustée notamment sur la cible, de 15-24 ans hier («l'info les intéresse trop peu») à 20-40 ans aujourd'hui. «Nous avons encore des progrès à faire, principalement sur la page d'accueil, qui fait seulement 15 % de l'audience : resserrer sur l'actualité avec un peu moins de faits divers, sur le témoignage et sur la diversité», poursuit le rédacteur en chef.

Dans les locaux du Monde interactif, rue Régnault (XIIIe arrondissement de Paris), l'équipe du Post occupe une longue table d'une dizaine de places. Six journalistes travaillent quotidiennement sur le site. Une rédaction jeune, rompue au flux continu, dans le tempo d'une radio. Ici, on ne raisonne pas en termes d'articles mais de textes courts et rapides. Et moins en terme d'info que de traitement, de coaching. L'info captée à la radio, l'info captée sur le Web, l'info commentée, l'info remontée de la soute elle-même. Le talon d'Achille du Post, et à la fois sa force de frappe, réside en effet dans la collaboration avec les internautes. Depuis un an, le site a enregistré 18 000 membres, qui alimentent leurs propres espaces personnels non modérés («Info brute»). L'équipe permanente repère parfois une info dans ce magma («Repéré») et en remonte en une («Vue en une»), après vérification et validation. Le principe du site est de s'appuyer sur la communauté pour enrichir l'offre de contenus. Les rédacteurs animent également un pool de «posteurs» repérés pour leurs qualités de lecteurs, de veilleurs ou de témoins.

Laboratoire. Le rythme quotidien est passé de 30 posts au début à parfois 300 aujourd'hui, un quart des contenus passés en une sont issus de la communauté. Suffisant pour imaginer se passer des abonnements à des fils de contenus. Dernier coup de ciseaux il y a quinze jours : les dépêches et les photos de l'AFP. Un arrêt très symbolique pour voir «comment on peut fonctionner sans, seulement avec les informations ramenées par les "posteurs"». Quant aux photos, un deal a été signé avec l'agence Maxppp, qui centralise les images de la presse quotidienne régionale. Benoît Raphaël, tenté d'expérimenter à l'inverse des sites médias traditionnels, n'hésite pas à pousser le bouchon très loin. Il provoque, faisant peu de cas de la hiérarchie de l'information («L'information est liquide, atomisée, hypersegmentée») et de son diffuseur agréé, le journaliste. Laboratoire à suivre, même avec des pincettes, le Post semble réussir l'expérience du collaboratif. Pas sûr que ça rassure tout le monde.

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