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Libération

Au Sénat, irrévérence et redevance augmentent

Télé sans pub. Les élus ont voté l’augmentation de la taxe malgré la farouche opposition de Nicolas Sarkozy.
par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 16 janvier 2009 à 10h39
(mis à jour le 16 janvier 2009 à 10h40)

Forcément, ça picote. Hier, en fin d’après-midi, le président de la République s’est pris simultanément et très précisément 329 coups de poignard : sur les 343 élus que compte le Sénat, 329 ont voté une augmentation de la redevance de 116 à 120 euros à compter de janvier 2010. Alors qu’à de multiples reprises Nicolas Sarkozy s’est fermement opposé à toute hausse, l’opposition de gauche, les centristes mais aussi son propre parti, l’UMP, ont voté l’augmentation. Seuls quatre sénateurs ont soutenu le Président en votant contre. Ouille.

Pourtant, le week-end dernier encore, Nicolas Sarkozy balayait l'affaire de la hausse de la redevance: niet. Fort de ce refus élyséen, le président du groupe UMP Jean-François Copé s'en prenait aux sénateurs centristes. Le même Copé qui, en novembre, faisait un pari risqué: «Moi vivant, il n'y aura pas d'augmentation de la redevance télé.» Selon nos informations, hier, en apprenant le vote du Sénat, Copé a toussé...

Les centristes avaient prévenu: il faudrait compter avec eux lors du passage de la loi sur l’audiovisuel au Sénat. En effet, seule, l’UMP n’a pas la majorité à la Chambre haute. Et dès le début de l’examen du texte, les centristes avaient martelé leurs exigences: une hausse de la redevance ainsi que l’élargissement de son assiette, et une baisse de la taxe de 0,9% sur les fournisseurs d’accès à Internet. Car, si elle n’est pas populaire, la redevance est une façon fiable d’assurer le financement du service public, car elle est directement versée dans ses caisses, contrairement aux nouvelles taxes qui iront dans le budget de l’Etat qui les ­reversera ensuite. De plus, la redevance française est l’une des plus ­basses ­d’Europe, dont la moyenne est à 184 euros.

Mais las, l’Elysée donc renvoyait sur les roses les sénateurs centristes. Et, pour ne rien arranger, la Chambre haute n’a que très moyennement apprécié –y compris dans les rangs de l’UMP– de devoir examiner un texte dont la principale mesure, à savoir la suppression de la pub après 20 heures sur France Télévisions, est déjà entrée en vigueur depuis le 5 janvier dernier.

Du coup, hier, pour Christine Albanel, ministre de la Culture chargée de défendre une loi qu'elle n'a pas initiée, ça a été baffe sur baffe. Pourtant, la journée démarre bien pour le gouvernement puisque le Sénat commence par entériner la suppression de la pub. Sauf... sur RFO. «La suppression de la publicité sur les antennes de RFO va mettre en difficulté les PME locales» , plaide l'amendement communiste. Avis défavorable du gouvernement, of course. Bing, l'amendement est adopté.

Second camouflet avec l’extension de la redevance aux «terminaux» permettant de recevoir la télé. C’est-à-dire les ordinateurs (du moins si l’internaute ne paie pas déjà la redevance pour un poste de télé), le téléphone portable ayant été exclu. L’amendement centriste est adopté, cette fois sans les voix de l’UMP.

Troisième revers, enfin, et le plus cuisant, avec la hausse de la redevance à 120 euros. Qui, compte tenu de l'indexation sur l'inflation, déjà prévue et acceptée par le gouvernement, pourrait du coup s'élever à 123 euros en 2010. «Cette revalorisation est le seul moyen d'assurer un financement autonome et pérenne de l'audiovisuel public» , plaide le centriste Hervé Maurey face à la ministre. Refus d'Albanel: «Le gouvernement trouve difficile d'aller au-delà de l'indexation.» Oui mais, argumente le socialiste David Assouline, «c'est vraiment pas grand-chose, et c'est un vrai apport pour l'audiovisuel public» . Soit 40 millions d'euros par an environ. La hausse est adoptée, sous les applaudissements du Sénat.

Mais l'affaire est loin d'être entendue. «Nous aurions beaucoup de mal à comprendre une opposition du gouvernement» , prévient Catherine Tasca tandis que la sénatrice Verte Marie-Christine Blandin donne «rendez-vous à la CMP» . Hein? La CMP, pour Commission mixte paritaire, qui, composée de sept sénateurs et sept députés, doit harmoniser les deux versions de la loi et mettre tout le monde d'accord au terme d'une âpre négociation. Bref, une nouvelle partie de bras de fer.

Paru dans Libération du 16 janvier 2009

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