Au nom du peer, du file et du saint partage

par Quentin Girard
publié le 5 janvier 2012 à 16h42

Gloire à Dieu ! Ou, plutôt, gloire au partage de fichiers ! La Missionary Church of Kopimism a annoncé fièrement en début de semaine avoir été reconnue par l'état suédois. Leur principe de foi est simple mais un peu particulier. Pour eux, comme l'expliquent les deux leaders Isak Gerson et Gustav Nipe , «l'information est sacrée et la copie est un sacrement. L'information possède une valeur en soi et en ce qu'elle contient et celle-ci se multiplie à travers l'acte de la copie. Par conséquent, la copie est un élément central pour l'organisation et ses membres» . Voilà une religion qui aurait sans doute fait plaisir à Gutenberg et qui ne surprend pas tant que ça au pays de Pirate Bay et du Parti pirate.

Les avantages de cette nouvelle reconnaissance semblent être évidents: se protéger d’éventuelles poursuites à la limite mais surtout pouvoir justifier philosophiquement, à travers la liberté de culte, de la distribution de fichiers entre les membres de cette église.

Rick Falkvinge, le fondateur du Parti pirate suédois qui est entré récemment au parlement, s'est réjouit de cette nouvelle et a voulu mettre en garde les internautes : «ce n'est pas une blaque. (...) Cela fait complètement sens de considérer que toute vie vient de la reproduction et d'une mélange d'une vie précédente et en cela l'acte de copie est le plus sacré des actes» .

Pour le blogueur suédois Nicholas Miles , le Kopimism va «au-delà de l'idéal d'un internet libre et gratuit, il affirme l'importance métaphysique de la prolifération de l'information, un acte éminemment social.»

Pour l’instant, on a pas encore observé des conversions de masse du côté de Stockholm, l’église revendiquant 1 000 membres. Si les fondateurs racontent que la reconnaissance fut un parcours du combattant avec plusieurs demandes successives, la démarche n’est pas si incroyable que cela en Suède.

Comme l'explique le site de recherche Eurel , qui «fournit des données vérifiées et actualisées sur l'état sociologique et juridique de la religion en Europe» , depuis 2000, il suffit pour bénéficier du statut de «communauté religieuse enregistrée» d'avoir le statut «d'association idéaliste» *, d'être doté d'une constitution et de célébrer des services religieux. Le gouvernement suédois n'imposant aucun doctrine particulière, «l'Église de Scientologie et une association de l'Ancienne religion nordique sont notamment enregistrées» . Elles sont une cinquantaine au total.

On ne sait pas trop comment se déroule les «messes» du Kopimism. Peut-être doit-t-on manger des clefs usb pleines, se casser sur la tête des Cds vierges ou se plonger, nu, dans des torrents de fichiers sur l’île perdue de Pirate Bay. En tout cas, cela doit être amusant.

Ensuite, pour les communautés religieuses plus importantes, il existe une reconnaissance supplémentaire par l’Etat leur permettant de bénéficier de réductions fiscales et/ou de l’impôt d’église, ce qui, dans le cas du Kopimism, changerait de la donation annuel à Wikipédia ou de l’abonnement mensuel à Megavideo.

Les missionnaires du Kopimism ne pourront pas dans un avenir proche prêcher le bon fichier torrent dans toute l'Europe. En Hongrie, la nouvelle constitution tant décriée fixe le nombre de religions à 14 et pas une de plus. D'autres pays comme «la Belgique ou l'Allemagne peuvent reconnaître les groupements religieux les plus importants» , note Francis Messner, directeur de recherches au CNRS et de l'Eurel, et «ces communautés peuvent l'être pour des raisons non théologiques mais pour le nombre important d'adhérents et leur capacité à créer du lien social» . La laïcité, en tant que mouvement philosophique, est ainsi officiellement reconnue outre-Quièvrain.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus