Au son techno des robots

par Marie Lechner
publié le 28 juin 2008 à 4h04

En 2001, Wayne Lytle réalisait une épatante animation en images de synthèse, Pipe Dream, mettant en scène des automates musicaux peu ordinaires, activés par des milliers de petites balles ricochant en rythme sur des percussions, des cordes, des tuyaux, dans une synchronisation parfaite entre image et son. Un vrai tour de force, mais ce n'est rien à côté de l'impressionnant Absolut Quartet, une machine-orchestre interactive conçue par deux artistes-chercheurs du MIT (Massachussets Institute of Technology), spécialisés en robotique et en musique algorithmique. Dan Paluska et Jeff Lieberman disent s'être inspirés de l'animation «pour en faire un instrument réel».

Coproduction. Leur étonnante sculpture électromécanique (financée par une célèbre marque de spiritueux) est composée de trois instruments, dont un marimba géant de sept mètres de large activé par des balles en caoutchouc propulsées par des canons robotiques. Etonnant spectacle que celui de ces milliers de boules aériennes grandes comme des balles de ping-pong qui voltigent à près de deux mètres de haut avant de rebondir sur les lames du marimba avec une grande précision. «Plusieurs personnes ont joué avec cette idée de balles percussives, mais uniquement dans des animations générées par ordinateur. Nous aimons repousser les limites de ce que les gens pensent qu'il est possible de faire, nous avons donc décidé de concrétiser cette idée», dit Jeff Lieberman. Le deuxième instrument, dit le Wino, est une version sophistiquée du cristallophone (verres à pied que le frottement du doigt fait siffler). Ici les verres sont frottés par des doigts robotiques capables de jouer avec 35 verres à la fois (l'humain est limité à quatre). A cela s'ajoute un ensemble de percussions robotiques.

Le quatrième instrumentiste de ce drôle de Quartet n'est autre que l'internaute qui influence à distance les compositions de la machine. Il produit un thème initial sur son clavier et la machine, dotée d'une intelligence artificielle, génère en direct une composition unique à partir des quelques notes envoyées par l'utilisateur, une coproduction homme-machine streamée en live sur le Net.

Palets. De février et durant trois mois, les internautes des quatre coins du monde ont pu ainsi interagir avec la machine-orchestre installée à New York. Pour l'instant, malheureusement, l'expérience est close (elle sera réactivée en 2009 promet Jeff Lieberman), reste les quelques vidéos documentant l'expérience. «En tant qu'artistes, nous réfléchissons à la manière de créer des expériences qui ne pourraient exister sans l'apport des technologies, alors nous avons travaillé à une manière unique de faire de la musique», expliquent les auteurs récompensés par une mention spéciale au prestigieux Prix Ars Electronica. Dans la catégorie musique digitale, un autre instrument de musique révolutionnaire a été récompensé : la Reactable (utilisée par Björk lors de sa dernière tournée) mise au point dans les laboratoires barcelonais qui permet de créer de la musique électronique en déplaçant des palets sur une table interactive.

Des expériences similaires sont menées par la League of Electronic Musical Urban Bots, un groupe d'artistes bricoleurs basé à Brooklyn qui a conçu près d'une cinquantaine d'instruments musicaux robotiques comme le guitarbot, un instrument à cordes électrique composé de plusieurs unités, capables de gratter et de coulisser très rapidement sur les cordes, ou le Tibetbot qui fait chanter des bols tibétains.

Leurs créations se distinguent des robots animatroniques virtuoses qui jouent des instruments existants déjà, tels ceux récompensés par la compétition européenne Artemis Music Orchestra. Cette année, c'est le robot clarinette, conçu par une équipe australienne, qui s'est montré le plus adroit, il a interprété le Vol du bourdon et le Boléro de Ravel, l'emportant sur un robot gratteur de guitare hollandais et une machine finlandaise jouant du piano.

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