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Libération

Avec Joost, la télé enfin Net

Les créateurs de KaZaa et Skype lancent une nouvelle façon de capter des chaînes sur le Web.
par Sébastien Delahaye
publié le 23 février 2007 à 6h16

Ils s'appellent Niklas Zennström et Janus Friis et ils veulent «révolutionner la télévision». Non, pas en remplaçant PPDA, allons donc, on ne touche pas à ça ! Avec Joost, leur nouveau projet, ils veulent tout simplement changer la façon de regarder la télé. Zennström le Suédois et Friis le Danois ne sont pas des inconnus sur le Net. Ils ont créé KaZaa, autrefois la star des outils de partage de fichiers, puis Skype, l'outil de téléphonie gratuite revendu à eBay pour 2,6 milliards de dollars. Joost a un concept simple : mélanger les atouts du Net et ceux de la télé. Soit une image de bonne qualité sur ordinateur, mais en plein écran, comme sur une télévision. «Une vraie expérience télé», dit sans rire Eric Clémenceau, directeur commercial Europe. Et, surtout, des interactions avec les programmes : «L'utilisateur peut laisser des commentaires sur un programme, explique Eric Clémenceau. Et tous les téléspectateurs qui regarderont le même programme pourront lire ses remarques et y réagir.» Une sorte de télé communautaire reprenant les principes du Web 2.0, somme toute.

Coût de diffusion nul. Côté contenu, Joost n'a cependant rien à voir avec YouTube, le célèbre site d'hébergement de vidéos. Les programmes de Joost seront fournis uniquement par les professionnels de la profession, qui géreront leurs images à leur convenance. Pas question ici de laisser les internautes mettre en ligne du contenu potentiellement piraté. Visiblement, Niklas Zennström et Janus Friis ont retenu la leçon de KaZaa (115 millions de dollars d'amende réglés l'an dernier à l'industrie musicale américaine pour violation de copyright). «Nous voulons oeuvrer dans le respect le plus parfait de la propriété, ajoute Eric Clémenceau. C'est la base de notre business-model.» Du reste, Joost ne se présente pas vraiment comme un clone de YouTube, plutôt comme une nouvelle plateforme de distribution, concurrente du satellite ou du câble. Et, pour rassurer les producteurs de contenu, l'intégralité des vidéos sera protégée. Avant le lancement public, prévu pour début avril, Joost espère signer avec le plus grand nombre possible de chaînes de télé. En faisant miroiter un coût de diffusion nul et des pubs très ciblées. Premier groupe séduit : l'américain Viacom (les studios Paramount et les chaînes MTV, entre autres), actuellement en bisbille avec YouTube. Emissions pour ados et clips à profusion devraient donc être au programme.

Côté technique, Joost utilisera, comme KaZaa et Skype, une technologie «P2P» (peer to peer). Le téléspectateur recevra ses émissions non pas d'un serveur émetteur central, mais d'une multitude d'autres téléspectateurs regardant la même chose. Et chacun émettra en même temps vers les autres «télénautes». En fait, le programme est fractionné en morceaux de huit secondes. Du coup, aucun internaute n'a jamais la vidéo entière sur son ordinateur, une assurance supplémentaire pour les producteurs. Et, pour l'internaute, aucun délai avant de visionner. De plus, cette technologie présente de nombreux avantages pour Joost : «Pour nous, les coûts en bande passante n'auront rien à voir avec ceux de services comme YouTube ou Dailymotion», selon Eric Clémenceau.

Listes. Pour regarder la télé sur Joost, le téléspectateur du futur devra suivre un rituel différent de l'actuel. Ni télécommande ni canapé : on se pose devant son ordinateur, on installe un programme (actuellement en test), et des «chaînes» s'affichent à l'écran. Ce sont en fait des listes de programmes télé permettant de regarder ce qu'on veut à tout moment. En clair, dans Joost, pas de diffusion des programmes à horaire fixe. A coups de souris, on peut se faire sa propre petite grille de programmes à mater à son rythme. De la vidéo à la demande, mais gratuite et à grande échelle.

Combinaison. Joost n'exclut cependant pas d'appliquer un classique système de Pay per view à certains programmes. «Mais Joost est gratuit à 90 %», prévient Eric Clémenceau. Evidemment, il y aura de la pub. Après tout, il faut bien manger (et rémunérer les chaînes de télé). Mais Joost promet que la publicité ne sera présente qu'en très petite quantité (de l'ordre d'une minute par heure). Elle sera en revanche très ciblée, personnalisée. Joost devrait ainsi proposer aux téléspectateurs de la pub en fonction des programmes qu'ils ont déjà regardés, ou en rapport avec leur lieu d'habitation. Les créateurs de Joost pensent tenir la combinaison gagnante, qui lassera moins le téléspectateur tout en attirant plus les annonceurs. La télévision 2.0 a des airs de recette miracle. Encore faut-il avoir la foi.

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