Avec Twitter, le show-biz fait son autobuzz

La plateforme de micro-blogging est un véritable outil de communication pour le cinéma. Et court-circuite la promo officielle.
par Alexandre Hervaud
publié le 13 avril 2009 à 8h11

On a souvent glosé sur la menace que représenterait Internet pour les journalistes. Gratuité, réactualisation permanente, concurrence des blogueurs… Il y a toutefois une autre profession qui serre les fesses et angoisse sérieusement devant le succès des plateformes 2.0 du type Facebook, Twitter et Flickr : les attachés de presse. A Hollywood, la frénésie Twitter ( le site de micro-blogging qui permet aux utilisateurs d'écrire un court texte, 140 caractères maximum, lisible via le Net ou sur un téléphone portable) touche les plus hautes sphères du show-business, forçant les spécialistes en relations publiques à remettre parfois les pendules à l'heure avec leurs célébrités de clients. En mars, la revue professionnelle The Wrap rappelait à quel point ce nouveau type de communication entrave le vieux modèle du contrôle excessif par l'attaché de presse.

Symbole ultime de cette adhésion à un service qui flatte l'ego malgré une actualité artistique pas folichonne, le couple star Demi Moore - Ashton Kutcher . L'acteur de la sitcom That's Seventies Show avait quelque peu titillé la blogosphère en postant, il y a quelques semaines, une photo «volée» de sa femme de dos, penchée et en petite culotte. Le genre de cliché, tout naze qu'il soit, qu'un magazine people aurait acheté pour une somme non négligeable se voit ainsi offert en pâture aux internautes qui n'en demandaient pas tant.

L'ex-femme de Bruce Willis n'a pas tourné un seul film en deux ans, mais la Twitter addiction de son couple lui permet de rester au centre de l'attention, un peu comme le rappeur has been MC Hammer (un de ses «tweets» lui a valu d'être invité au talk-show très regardé d' Ellen DeGeneres ). Acteurs et réalisateurs américains technophiles ne se contentent heureusement pas de poster des images de leurs conjoints à moitié à poil.

Exemple : le réalisateur Jon Favreau , qui tourne actuellement la suite attendue de son Iron Man, l'adaptation du comic book Marvel avec Robert Downey Jr. En début de semaine dernière, il postait via Twitter des images (peu explicites) du plateau de sa superproduction (par exemple son fauteuil de réalisateur : rien d'exceptionnel) tout en délivrant des impressions à chaud ( «Y'a un essaim de paparazzi dans les parages», «Couché tard pour voir les rushs.» «C'est génial de voir ces personnages prendre vie» ).

Les producteurs n'ont pas vraiment apprécié de voir des images du tournage fuiter sur le Net, et le metteur en scène s'est visiblement fait rappeler à l'ordre : «Désolé, je ne peux pas poster d'image en ce moment, il y a un contrôle sévère des images du plateau. J'en posterai quand je pourrai» , a-t-il annoncé jeudi.

En l'espace de quelques semaines, les Twitter d'acteurs, scénaristes et réalisateurs hollywoodiens sont devenus une source privilégiée d'information pour les sites de référence spécialisés en cinéma. Les mastodontes du genre, Ain't it cool news et Slashfilm notamment, y puisent des déclarations qui font parfois à elles seules l'objet d'un article (comme récemment les impressions de Diablo Cody , scénariste de Juno , sur l'usage de références pop dans un scénario).

L'inconvénient des posts instantanés de photos via Twitpic (le site «image» de Twitter) est la qualité plutôt décevante des visuels, souvent pris au téléphone portable. Buzz et velléité artistique ne sont pas pour autant incompatibles : le réalisateur britannique Edgar Wright ( Shaun of the Dead ) poste ainsi tous les jours, sur son Flickr , une photo du tournage de son dernier film, Scott Pilgrim vs the World , adapté d'un comic déjanté. D'excellente facture, aussi bien en terme de prise de vue que de résolution, ses clichés sont quasi automatiquement repris par la plupart des sites cinéphiles influents.

Il serait toutefois naïf de penser que des individus aussi illustres que Britney Spears ou Michel Barnier (désolé, on n'a pas trouvé mieux comme exemple français de Twitterer) écrivent eux-mêmes leurs messages, fussent-ils de 140 caractères maximum. Une nouvelle profession a d'ailleurs vu le jour aux Etats-Unis, celle des «Ghost Twitterers» , sorte de nègres 2.0 chargés de mettre à jour les profils des célébrités. Micro-pigistes, un métier d'avenir.

Paru dans Libération du 11 avril 2009

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