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«BLA BLA» : l'ordinateur tient sa parole

par Camille Gévaudan
publié le 1er juin 2011 à 16h05
(mis à jour le 2 juin 2011 à 10h13)

Alors qu'on laisse le navigateur ouvert en arrière-plan, le temps d'écrire cet article, lui continue à vivre. On l'entend bâiller, soupirer, parfois même déglutir. Il s'ennuie. Lui, c'est cette marionnette à grosse tête qui ne sait rien faire tout seul. Debout au milieu de son écran noir, il attend patiemment le retour du curseur qui lui a donné la vie. Il n'a pas de nom, mais son histoire est assez riche pour nourrir les six chapitres du conte dont il est le héros, BLA BLA .

Tout droit sorti du studio interactif de l'Office National du Film du Canada (ONF), BLA BLA est un «film pour ordinateur». Ni jeu vidéo ni court-métrage, mais un peu des deux à la fois. Ses images ont été produites par différentes techniques d'animation traditionnelle, du dessin sur papier à la modélisation 3D en passant par la capture, image par image, des mouvements d'une marionnette.

Le scénario est quant à lui construit avec la grammaire du web, non linéaire. L'évolution du personnage repose presque exclusivement sur les actions de l'internaute. Il grandit et apprend à force de clics. «On voulait que l'utilisateur ait le sentiment d'apprivoiser une créature un peu fragile et déconnectée» , explique le réalisateur Vincent Morisset. En cliquant frénétiquement sur le bonhomme pour accélérer sa découverte des relations humaines et du langage, on a effectivement la sensation de le brusquer. Son visage, très expressif, se crispe. On change alors de rythme avant que la narration reprenne la main et lance le chapitre suivant.

Chacun trouvera une manière très personnelle de s'approprier BLA BLA . L'expérience fascine Morisset : «on peut comparer les personnalités des gens et observer leur bagage personnel à travers leurs actions. Certains sont méthodiques, tandis que d'autres sont plus curieux ou essaient carrément de faire sauter la machine.» Parmi les adultes qui ont testé le projet, certains ont mal compris les règles du jeu et commencé à «cliquer au même endroit sans cesse en manquant toutes sortes d'avenues possibles» . Au contraire, les enfants «savaient naturellement quoi faire» et «se promenaient avec aisance» dans l'histoire.

Pionnier de la vidéo interactive, le réalisateur montréalais n'en est pas à son coup d'essai : il a notamment travaillé avec Arcade Fire pour illustrer leur single Neon Bible , en octobre 2007. Depuis cet élégant ovni interactif qui a rencontré un succès fou sur le web, on dit de lui qu'il a réinventé le genre du clip musical. Vincent Morisset fut rapidement contacté par le studio interactif de l'ONF, créé cette même année pour élargir les investissements au développement de projets en ligne. Pour réaliser BLA BLA , le réalisateur «web friendly» s'est entouré d'un ami compositeur, d'un graphiste et d'un développeur web qui se sont «complétés et nourris» mutuellement, tous aussi sensibles à l'héritage cinématographique de l'ONF qu'à la culture numérique.

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