Bastille, place publique et numérique

Installé dans le cadre de Futur en Seine, le dôme éphèmere WikiPlaza invitera les Parisiens à s’approprier les derniers prototypes technologiques dans une optique citoyenne. 
par Marie Lechner
publié le 27 mai 2009 à 18h43

The city is here for you to use  : le titre du prochain ouvrage d'Adam Greenfield, auteur d' Everyware , sur l'informatique ubiquiste, pourrait servir de manifeste au projet WikiPlaza, qui va se déployer place de la Bastille, à l'occasion du festival Futur en Seine. Plutôt que de subir cette ville que d'autres imaginent pour nous, comment s'approprier ces nouvelles technologies afin de créer des espaces plus agréables à vivre, plus humains, plus durables ?

WikiPlaza préfigure ce que pourrait être une version «augmentée» de la place publique à l'ère des réseaux. «Le potentiel de ce nouvel espace urbain hybride est perçu de manière ambivalente, tantôt menaçant [contrôle social, publicité] tantôt riche de nouvelles opportunités [participation, usage social des technologies]» , analyse Hackitectura.net, le collectif espagnol d'architectes, hackeurs et activistes, auteurs du projet WikiPlaza.

Hackitectura.net installera un dôme éphémère place de la Bastille, «à la croisée des flux, physiques et mentaux, électroniques et électromagnétiques» , invitant les Parisiens à l'investir. Equipé d'un médialab doté de matériel et de logiciel libres, WikiPlaza se présente comme un atelier permanent ouvert à tous, où les citoyens pourront s'initier aux outils et échanger leurs productions audiovisuelles, projetées sur le dôme qui se transformera en écran urbain la nuit tombée. «WikiPlaza sera un espace en transformation constante, une production sociale résultat des désirs et activités de ses habitants.» C'est là qu'on pourra tester quelques-uns des prototypes créés pour Futur en Seine. Ainsi, les citadins pourront collaborer à la MeTacarte, initiée par Labomedia, une carte en ligne participative qui propose aux gens de partager leur regard et leur expérience de la ville, en postant des photos et autres annotations géolocalisées. « Avec bien sûr, l'espoir que cette sociabilité numérique se prolonge dans l'espace réel» , indique Benjamin Cadon, coordinateur avec Ewen Chardronnet, qui annonce une soirée sous l'étendard Liberté-égalité-P 2 P. «WikiPlaza va contre les logiques d'admiration technologique, contre la création artificielle de besoins, et initie une approche critique pour que ces outils servent à l'expression publique et politique.»

Autre projet auquel le visiteur de WikiPlaza pourra participer : la Montre verte, un système collaboratif de mesure de la pollution, imaginé dans le cadre du programme Villes 2.0 de la Fondation pour l'Internet nouvelle génération (Fing). Son fondateur, Daniel Kaplan, estime que l'enjeu est d'étendre les capacités d'intervention des citoyens sur la ville. «Au-delà de l'extension de la ville servicielle, comment ces outils peuvent-ils développer nos capacités d'invention de la ville de demain ?»

La Montre verte ébauche une première piste en faisant participer les citoyens à la mesure environnementale. Trente «montres» seront distribuées, équipées chacune de deux capteurs (ozone et bruit), d’une puce GPS et d’une puce bluetooth, reliés à un téléphone portable qui transmet ces informations à une plate-forme Web. Les données restituées sous forme cartographique seront accessibles à tous.

«Ces mesures de basse qualité n'ont de sens que si elles sont nombreuses» , concède Kaplan qui entrevoit déjà leur incidence sur l'immobilier ou le politique. Les gens vont-ils pour autant participer plus activement à la vie politique de leur ville en cartographiant leur environnement ? Pas sûr. Ces dispositifs présupposent une volonté d'engagement du citoyen, et une capacité à décrypter l'énorme quantité de données collectées, ce qui réduit sensiblement le public concerné, estime la sociologue Anne Galloway.

La WikiPlaza quant à elle s’autodétruira avec le lancement d’ une «fork bomb», un programme qui se duplique à l’infini provoquant une paralysie du système par surcharge de calcul. Une métaphore informatique de ce qui risque d’arriver au citadin saturé d’informations.

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