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Libération

Bientôt la cata pour Acta ?

par Emilie MASSEMIN
publié le 31 mai 2012 à 12h43
(mis à jour le 31 mai 2012 à 17h53)

Les soutiens à Acta, le très controversé Accord international sur la contrefaçon, continuent de s'amenuiser. Les parlementaires néerlandais ont adopté, mardi 29 mai, une motion par laquelle ils appellent le gouvernement à «renoncer définitivement à la ratification de l'accord Acta aux Pays-Bas tant qu'il n'est pas établi de façon concluante que le traité n'entre pas en conflit avec les droits fondamentaux» , a annoncé la seconde chambre ( Tweede Kamer ). Au même moment, la commission de l'industrie et la commission des libertés civiles du Parlement européen se sont prononcés contre la ratification d'Acta.

«Le traité devrait être ôté de la table des négociations, quelle que soit la décision que prendra le Parlement européen» a martelé le représentant des Démocrates 66 (libéraux de gauche) à la Tweede Kamer , Kees Verhoeven. Les parlementaires prônent l'abandon du texte y compris si la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) l'estime conforme aux acquis communautaires et à la Charte européenne des droits fondamentaux. Motif, ce traité laisserait place «à l'interprétation avec des conséquences négatives imprévues» , ont estimé les parlementaires, d'après NRC.nl (en néerlandais).

Négocié en secret jusqu'en 2010, cet accord a été signé le 26 janvier dernier par 22 des 27 gouvernements de l'UE et les États-Unis, le Japon, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Corée du Sud, la Suisse, le Mexique et le Maroc. Cet accord ambitionne de lutter contre la contrefaçon au sens large, et s'appliquerait aux domaines des médicaments génériques, des semences, de la culture -- donc du téléchargement illégal sur Internet --, des brevets et des marques. Remanié à plusieurs reprises, le texte n'est désormais plus amendable, sauf par un futur «comité Acta» dont la composition n'a pas encore été précisée.

Plus de d'une dizaine d’États hostiles au texte

Ce n'est pas la première fois que le parlement néerlandais s'oppose au traité. En février dernier , les groupes de sept partis politiques, SP, PvdD, PvdA, GroenLinks, D66, ChristenUnie et PVV, avaient soutenu une première motion demandant «au gouvernement de ne pas signer le traité Acta tant qu'il n'est pas établi de façon concluante que le traité n'entre pas en conflit avec les droits fondamentaux» . L'an dernier, des élus néerlandais avaient réclamé davantage de transparence autour des négociations portant sur le texte, ainsi que sur son contenu.

Les Pays-Bas font partie de la liste toujours plus longue des États-membres de l'UE s'opposant à Acta. La semaine dernière, la Roumanie a elle aussi annoncé avoir gelé le processus de ratification du traité, «tant que le Parlement européen n'apporte pas les modifications qui garantissent, comme il se doit, la protection des droits de propriété intellectuelle, mais aussi l'absence de violation de la vie privée» , a annoncé le premier ministre Victor Ponta. «Ce moment où des FAI sont autorisés à aller dans mon courrier électronique, lire les messages, est quelque chose que je ne souhaite ni pour moi-même ni pour aucun Roumain.» En tout, c'est donc plus d'une dizaine de pays européens qui s'opposent au texte, parmi lesquels la Pologne, la Bulgarie , l'Allemagne , la République Tchèque, la Slovaquie, la Lettonie, la Slovénie, l'Autriche et Chypre.

Rejeté par deux commissions du Parlement européen

Cette fronde se retrouve au sein du Parlement européen, qui doit se prononcer début juillet sur la ratification du traité. Le texte est actuellement en examen dans plusieurs commission: la commission des affaires juridiques et celle des libertés civiles, qui doivent se prononcer sur «la compatibilité d'Acta avec le droit communautaire et la Charte des droits fondamentaux» , et la commission de l'industrie, qui doit se pencher sur «l'impact de l'accord sur l'industrie européenne» , d'après le site du Parlement européen . Le mois prochain, deux autres commissions devront se prononcer: la commission sur le développement le 4 juin, et celle du commerce international le 21 juin.

Or, la Quadrature du Net, qui milite contre Acta et explique très bien pourquoi sur son site , a révélé que la commission de l'industrie a majoritairement voté en faveur du rapport de l'eurodéputée écologiste Amelia Andersdotter, en dépit des manœuvres des membres du groupe ALDE («Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe») pour aider les membres pro-Acta du Parti populaire européen (PPE, centre-droit). Autrement dit, Acta est clairement rejeté par la commission de l'industrie. Idem, la commission des affaires juridiques s'est prononcée contre la ratification du traité. «Ce vote devrait réveiller les législateurs d'Europe et d'ailleurs: les tentatives de faire respecter une vision obsolète du droit d'auteur ne peuvent que nuire à un Internet libre, et aux intérêts des acteurs innovants qui bâtissent les fondations de l'économie de demain» a déclaré Jérémie Zimmermann, le porte-parole de la Quadrature du Net, dans un communiqué (en anglais).

Un bon début alors que le sort d'Acta repose en grande partie entre les mains des eurodéputés, puisque un rejet du Parlement européen signerait l'arrêt de mort du traité au sein de l'Union.

Mise à jour le 31 mai à 17h35:

La commission des libertés civiles a également voté contre la ratification d'Acta dans la journée, ce qui ramène à trois le nombre de commissions ayant rejeté le traité - un revers sévère, avant le vote final.

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