BigPoint : «On est entre le jeu vidéo et l’Internet»

par Erwan Cario
publié le 22 mars 2010 à 12h11
(mis à jour le 22 mars 2010 à 12h59)

BigPoint, c’est un peu le vaisseau amiral du free-to-play européen. Avec 250 000 nouveaux inscrits par jour sur leurs différents jeux, ils dominent un secteur très concurrentiel. Simon Guild, président de la société basée en Allemagne, était à Paris début mars.

Actuellement, le compteur de joueurs inscrits sur BigPoint indique plus de 110 millions. Comment en êtes-vous arrivé là ?

Nous avons commencé en 2002 avec des simulations sportives. Mais au début, nous étions petits. Le premier jeu, Icebreaker, n’a coûté que 60 000 euros. La société a donc pu se construire petit à petit. Et puis, ça a commencé à bien marcher, puis à exploser. En 2008, nous avons doublé. En 2009 également. Nous sommes aujourd’hui sur ce rythme-là. Mais nous ne savons pas précisément pourquoi. C’est sans doute un concours de circonstances. Le haut débit, les joueurs qui acceptent le modèle économique, le micropaiement qui se démocratise, peut-être grâce à l’iPhone, etc. Nous avions de bons jeux, et nous étions là au bon moment.

Quelle est la proportion des joueurs qui dépensent ?

Ils sont 80% à jouer gratuitement toute leur vie. Donc 20% paient à un moment ou à un autre. Au minimum deux euros. Dans ces 20%, en moyenne, un joueur dépense environ 20 euros par mois. Mais c’est juste une moyenne qui correspond à plein de comportements différents. Mais c’est ce chiffre qui nous intéresse : qui paie, combien, et dans quel jeu. Surtout, comment faire pour leur proposer des nouveaux produits qui vont les intéresser…

Un exemple ?

Dans Seafighter, notre jeu de pirate, en plein hiver, alors qu’il neigeait partout en Europe, nous avons décidé de vendre des boules de neige pour remplacer les boulets de canon. Elles sont parties comme des petits pains. Une idée simple comme celle-là demande avant tout de l’imagination. Et ça montre aussi qu’un jeu n’est jamais complètement fini. Quand on parle de développement, il y a le développement initial, mais ça continue pendant des années aussi bien sur les produits qu’on peut vendre que sur les niveaux.

Ça se rapproche de la gestion économique classique…

Oui, l’offre et la demande, l’inflation, tout ça se retrouve dans les mondes que nous créons. Les gens achètent des crédits et les dépensent pour des produits. Il faut donc que nous équilibrions un peu ça. On fait beaucoup de promotions, notamment autour des matchs de foot. Par exemple, si j’achète une boule de neige le jour où mon équipe nationale joue, je peux multiplier par le nombre de buts. Bon, ça ne va pas très bien marcher en France. Mais ailleurs, si. Les joueurs aiment bien le lien avec le monde réel.

Où vous situez-vous par rapport à l’industrie du jeu vidéo ?

On est entre les jeux et l’Internet. Nous avons les mêmes défis en terme de production que les créateurs de jeux vidéo classiques. Nous n’avons simplement pas le même système de distribution. Mais on est tous dans le même domaine du divertissement. Un joueur, c’est un consommateur de divertissement. Il joue, il regarde la télé, il va sur le Net, il a plein d’options…

C’est une concurrence au niveau du temps libre…

Exactement. D’autant que nos abonnés ne se considèrent pas vraiment comme joueurs. Ils ne perçoivent pas nos jeux de la même manière que ceux des consoles. Quand ils jouent sur le Web, ils ne pensent pas qu’ils jouent : ils font un truc sur le Web. C’est un peu pareil pour l’iPhone. Nous sommes donc en concurrence avec l’ensemble de l’industrie du divertissement sur le temps libre de nos consommateurs.

Etes-vous aussi en concurrence avec un site comme Facebook ?

On est très intéressé par l’aspect social de nos jeux. Le fait que des amis puissent jouer ensemble, c’est important. BigPoint est un genre de réseau social, mais je ne pense pas que ça puisse remplacer Facebook. Les gens sont toujours sur Facebook, ils ont leurs besoins de communiquer avec des amis dans un autre univers que le nôtre. J’espère, en tout cas.

Avec une telle croissance, vous devez faire peur à pas mal de monde ?

Au contraire, il y a beaucoup de monde très intéressé par ce qu’on fait. Sur Internet, aujourd’hui, il y a deux modèles qui marchent vraiment bien, celui des «ventes privées» inventé par une boîte française, et le nôtre. Tous les producteurs de contenu, comme les médias, sont intéressés par le micropaiement. Et on en est encore qu’au tout début.

Paru dans Libération du 19/03/2010

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus