Bilan du G8: «Internet, c'est formidable, MAIS...»

par Alexandre Hervaud
publié le 31 mai 2011 à 12h45
(mis à jour le 31 mai 2011 à 15h29)

Après l'apéritif e-G8 aux Tuileries, le G8 s'est conclu ce week-end à Deauville par l'inévitable déclaration finale disponible en ligne et sous-titrée avec emphase : «un nouvel élan pour la liberté et la démocratie» . Plusieurs thèmes y sont abordés, qu'il s'agisse de l'économie mondiale comme de la solidarité avec le Japon, l'environnement, et bien entendu ce qui nous intéresse aujourd'hui, Internet.

Dans une large mesure, la déclaration loue les vertus du Web, «outil essentiel et irremplaçable», «moyen unique d'information et d'éducation» , etc. Mieux : «les libertés d'opinion, d'expression, d'information, de réunion et d'association doivent être sauvegardées sur l'Internet comme elles le sont ailleurs» (appréciez la nuance qui conclue la phrase...). D'ailleurs, c'est entendu : «la censure ou les restrictions arbitraires ou générales sont incompatibles avec les obligations internationales des États et tout à fait inacceptables» . La preuve qu'on ne peut pas trifouiller impunément les réseaux, l'ancien président égyptien Hosni Moubarak a été condamné à payer une amende de 33,5 millions d'euros pour avoir coupé l'accès aux Net et aux réseaux de téléphonie mobile en début d'année...

Le G8 loue donc le Net, mais pas pour y faire n'importe quoi, et surtout pas pour y pirater comme un sauvage ! Ainsi, «s'agissant de la protection de la propriété intellectuelle, en particulier des droits d'auteur, des marques déposées, des secrets commerciaux et des brevets, nous reconnaissons que nous devons mettre en place des législations et des cadres nationaux pour en améliorer le respect» explique la déclaration. Des «mesures fermes contre les violations des droits de propriété intellectuelle dans l'espace numérique» seront donc prises dans un esprit de «coopération internationale appropriée entre les acteurs concernés, associant le secteur privé» . Traduction : chers Etats du monde, il serait bien de prendre vos petits stylos et de ratifier dès que possible l'ACTA, cet accord commercial anti-contrefaçon négocié en quasi-totale opacité depuis des années et qui devrait, nous rappelle Numérama, être signé d'ici le 1er mai 2013 au plus tard . La dernière version du texte est lisible ici (pdf).

Les usual suspects que sont la cybercriminalité, le terrorisme et la pédo-pornographie ont également été mentionnés dans la déclaration, autant de défi justifiant certaines politiques nationales ( poke Loppsi 2) et la coopération internationale des états membres. Si à première vue, tout porte à croire que la déclaration a été adoptée dans une belle et saine unanimité, la réaction post-G8 du président russe Dmitri Medvedev démontre le contraire : «cette déclaration reflète une position absolument conservatrice selon laquelle les droits de propriété intellectuelle devraient être protégés selon les règles existantes. Personne ne le nie, mais j'ai souvent répété que malheureusement, ces règles et conventions ont été écrites il y a 50 ou 100 ans déjà, et qu'elles sont incapables de réguler la complexité des relations entre ayants droit et utilisateurs» .

À première vue, le discours peut être interprété de deux façons différentes : soit Medvedev se fait l'apôtre de l'instauration de toutes nouvelles lois «modernes» mais pas pour autant laxistes (voire même durcies) quant au respect du droit d'auteur ; soit, comme l'adjectif «conservateur» le suggère, le président russe fustige la surprotection de la propriété intellectuelle chèrement défendue par Sarkozy. La fin de sa réaction ne laisse plus planer le doute : «mon opinion n'a hélas pas été incluse dans la déclaration car à mon avis, mes collègues ont une posture plus conservatrice que nécessaire actuellement. Ou peut-être juste qu'ils n'utilisent pas Internet et n'y comprennent pas grand chose» . La clarté slave, tout simplement.

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