Blackout pour les Blackberry au Moyen-Orient

par Virginie Malbos
publié le 3 août 2010 à 17h54
(mis à jour le 4 août 2010 à 18h27)

Trop de sécurité tue la sécurité. C'est en substance ce que les Émirats arabes unis, l'Arabie Saoudite et l'Inde reprochent à Blackberry. Depuis quelques jours, l'utilisation des téléphones de l'entreprise canadienne Research in motion (RIM) est remise en cause dans ces pays. La raison? Une gestion un peu particulière des données propre à Blackberry. En effet, le système «push» - mise à jour instantanée des mails mais aussi de l'agenda etc. - implique que les messages transitent directement via les serveurs de l'entreprise en Angleterre ou au Canada. Un transfert qui se fait sous forme cryptée, RIM étant seul à pouvoir déchiffrer ces communications. Or pour l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et l'Inde, ce mouvement et stockage d'informations est jugé « illégal » et ne répondant pas aux impératifs de la sécurité intérieure.

Pour Blackberry, les problèmes ont débuté la semaine dernière quand l'Autorité de régulation des télécoms des Émirats arabes unis a déclaré que ces téléphones «violaient la législation sur la sécurité intérieure» . Quelques jours plus tard, l'Inde aussi émettait des critiques, et un avertissement: sans accès des services de sécurité aux données cryptées l'activité de RIM serait suspendue en Inde. Enfin, dimanche dernier, les Émirats arabes unis ont tranché: à partir du 11 octobre il sera interdit de naviguer sur Internet, d'envoyer des emails et de se servir de la messagerie instantanée (Blackberry Messenger) du téléphone. Une décision qui devrait toucher 500 000 utilisateurs. En Arabie Saoudite, même topo : un mémo a été envoyé à tous les opérateurs pour qu'ils bloquent Blackberry Messenger durant le mois d'août. Encore une fois des centaines de milliers d'utilisateurs sont concernés.

Les deux pays justifient leur décision par la nécessité de surveiller les réseaux pour lutter contre le terrorisme. Un discours à double tranchant : outre les impératifs de sécurité intérieure, bloquer les envois cryptés des Blackberry permettra aussi de surveiller les discours dissidents. La situation n'a rien d'anecdotique, Reporters sans frontières rapporte que des utilisateurs de Blackberry Messenger prévoyant de manifester ont récemment été arrêtés aux Émirats arabes unis. Un pays où, déjà l'an dernier, les Blackberry avaient été infectés par un logiciel espion installé lors d'une mise à jour, proposée par un opérateur détenu en majorité par le gouvernement.

Pour l'Inde, et son million d'utilisateurs, l'issue semble différente. Selon le quotidien indien « The Economic Times » , RIM aurait cédé aux pressions du pays et offert aux services de sécurité un accès aux mails des entreprises transitant par Blackberry. Et un accès limité à quinze jours pour ceux des particuliers. Pour toute réaction, la société canadienne publie un communiqué des plus évasifs: « RIM ne dévoile pas les discussions confidentielles qu'elle mène avec les gouvernements en matière de régulation mais assure qu'elle continuera à proposer des outils et des services hautement sécurisés et innovants pour satisfaire les besoins des consommateurs et des gouvernements ». Si les affirmations se confirment, l'Inde rejoindra la liste des pays où des concessions ont été effectuées par RIM, comme aux États Unis ou au Royaume Uni. Un argument pour les Émirats arabes unis qui considèrent ne demander que l'équité.

En France, la Cnil a également soulevé le problème fin juin dans un communiqué. « La plateforme Blackberry fait transiter les informations par le réseau de RIM, qui est le fabricant de ces téléphones. Cette façon de faire est spécifique à RIM. En effet, les autres fabricants de smartphones ne font pas transiter les informations par leur réseau propre. Or, ces serveurs sont situés en Angleterre pour les utilisateurs européens, et au Canada pour les utilisateurs américains. Une polémique a éclaté en 2007 sur le fait que RIM pouvait potentiellement accéder aux informations et même les transmettre à la NSA, l'agence de renseignement américaine en charge des communications électroniques» . Après 2007, le téléphone a donc été interdit à l'Élysée et Matignon. Ce qui n'est pas le cas partout. Avec un peu de volonté, Obama a réussi à conserver le sien, même s'il avoue aujourd'hui - lors de l'émission «The view» sur ABC - n'avoir plus que dix personnes lui envoyant des mails sur son téléphone: «Je dois bien le dire, ce n'est pas drôle : parce qu'ils pensent que ce devra être versé aux archives présidentielles, personne ne veut m'envoyer les trucs vraiment croustillants» .

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