Blogs : le tweet au top, le post peste

par Andréa Fradin
publié le 18 février 2010 à 12h05

C'est le dernier pavé jeté dans la mare des blogueurs. Il y a quelques jours, une étude du Pew Research Center révélait que la jeunesse américaine se détournait en masse des blogs, leur préférant les réseaux sociaux . Selon cette analyse, le nombre de 12-17 ans actifs sur un blog s'est réduit de moitié en seulement trois ans : ils étaient 14% à bloguer l'année dernière, contre 28% en 2006. Aujourd'hui, les ados se jettent majoritairement sur Facebook, où la publication est immédiate, donc plus facile. Twitter, en revanche, n'emballe pas les jeunes : ils ne sont que 8% à l'utiliser.

Impressionnant, quoique pas vraiment nouveau. La mise en bière des blogs à papa par les Facebook juvéniles ou les Twitter technophiles est régulièrement annoncée. Dans le temps court d’Internet, l’apparition de ces plateformes qui permettent de communiquer dans l’instant a en effet suffi pour annoncer la fin de l’ère blogosphère. Toute une communauté morte et enterrée en si peu de temps ? Pour en avoir le cœur net, nous sommes allées voir par nous-mêmes.

Octobre 2006, publication du classement des 100 blogueurs les plus influents par le site de référencement américain Technorati. 2010 : clic sur le premier du quinté, Loïc Le Meur , chef d'entreprise exilé aux Etats-Unis, spécialisé dans les nouvelles technologies et connu sur la Toile pour ses prises de position explicites en faveur de Nicolas Sarkozy. Cela fait sept ans que le bonhomme publie. Son blog est toujours autant actualisé, des dizaines de milliers d'individus sont abonnés à son flux RSS. Pourtant, on aurait tort de croire que rien n'a changé. A gauche, une petite colonne permet de suivre, en direct bien sûr, l'actualisation des profils Twitter et Facebook du blogueur. Les derniers messages postés sont plus courts et, révélateur ultime, évoquent pour la plupart l'actualité des réseaux sociaux. Alors, le real time Web a-t-il tué le blogging ? Pas sûr. En tout cas, il l'a transformé de la racine à la pointe. Un changement que ses plus fidèles partisans reconnaissent volontiers : le tweet a pris le pas sur le post, l'immédiateté sur le développement du contenu. Et cela ne concerne pas uniquement les gros blogs situés au sommet des classements des divers observatoires du Web.

L'ombre du 2.0 plane également sur les blogs plus intimes, qui n'engendrent ni profit faramineux ni audience éclatante, et qui se rapprochent finalement davantage de la définition originelle de ces supports. Skyblog en compte près de 30 millions en activité. Envolées existentielles pubères rédigées à grand renfort de «lol» et de smileys, on est ici à des kilomètres des Le Meur et autres TechCrunch, ultra-spécialisés. Première plateforme en France, Skyblog a enregistré une légère diminution dans le rythme journalier de création de blogs. Mais pour son PDG, Frank Cheneau, ce mouvement est davantage dû au fait que nos amis les jeunes sont déjà présents en nombre chez Skyblog : difficile de faire mieux. «La principale modification s'enregistre au niveau des comportements : les utilisateurs fréquentent moins leurs pages» , explique-t-il.

Reste que de nombreux blogueurs mettent la clé sous la porte. Et si les réseaux sociaux en ont capté une grande partie, l'arrêt des partisans les plus acharnés du blogging ne saurait se résumer à l'attrait de ce nouvel eldorado numérico-gazouillant. Plus prosaïquement, après des années de publications quotidiennes et de réponse aux commentaires, l'excitation laisse place à une certaine lassitude. Et les blogueurs font un truc de fou : ils basculent in real life , dans la vraie vie.

Paru dans Libération du 17 février 2010

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