«Borgen», la petite série reine

par Isabelle Hanne
publié le 9 février 2012 à 18h18
(mis à jour le 16 mars 2012 à 9h48)

Tous les matins, Birgitte Nyborg Christensen se lève tôt, enfile un tailleur strict, avale un petit-déjeuner équilibré, va réveiller ses enfants, puis enfourche son vélo pour «le Château» -- l'imposante bâtisse qui abrite, à Copenhague, le siège du Parlement et les bureaux du Premier ministre danois. Ou plutôt ses bureaux : dès le deuxième épisode de la série Borgen , cette chef du Parti centriste, quadra courageuse, est élue à la tête d'un gouvernement de coalition, devenant la première femme à accéder à ce poste.

Ce n’est pas franchement à la conquête du pouvoir, mais plutôt à son exercice que s’intéresse cette passionnante série politique. Dans un Danemark tout en berlines luisantes, costards ajustés et pères au foyer, Birgitte (la très convaincante Sidse Babett Knudsen) veut imposer la parité dans les conseils d’administration des entreprises, mais doit faire face aux puissants lobbys industriels. Son pays va peut-être signer un juteux contrat d’éoliennes, mais c’est avec un régime pas franchement réputé pour son respect des droits humains.

A la manœuvre de ce gouvernement de coalition, Birgitte Nyborg tente de garder le cap de ses convictions tout en ménageant ses soutiens. Pas facile : en permanence, elle fait face à des gros dilemmes dans sa vie publique - inerties du système, compromissions diplomatiques, petits ou gros scandales, dissensions au sein du parti - comme dans sa vie privée. Comment être la première femme du pays et une bonne épouse, une bonne mère ?

A la manière de l'américaine The West Wing qui montrait les coulisses de la Maison Blanche, Borgen dévoile l'arrière-cuisine de la politique danoise. Petits arrangements avec la vérité, retournements, alliances, manipulation, chantage, coups bas : on ne s'épargne rien. La série s'interroge également sur l'omniprésence de la communication dans la politique aujourd'hui, et sur son rapport incestueux avec le journalisme. Une problématique incarnée par la relation entre la blonde journaliste Katrine Fønsmark et le spin doctor un peu manipulateur Kasper Juul.

La série repose sur trois univers qui parfois se superposent, souvent se heurtent : le monde politique - les couloirs et les bureaux du Château --, le monde médiatique -- l’open space et les plateaux de la chaîne de télé TV1 -- et la famille -- la maison de Birgitte, son mari Phillip et leurs deux enfants. Les deux premiers s’utilisent l’un l’autre en permanence. La sphère familiale, qui montre le visage progressiste du Danemark (le mari capable de mettre sa carrière entre parenthèses pour privilégier celle de sa femme), concentre aussi les conflits les plus durs à résoudre : celle-là n’a rien à gagner dans l’interaction avec les deux premières.

L'intrigue de Borgen est toujours bien foutue, sans temps mort : elle est tricotée par Adam Price, qui travaille comme les showrunners américains ( lire l'article ). Seul regret, le monde des journalistes télé est un peu clicheton. En tout cas, hasard ou prescience, plus d'un an après la diffusion de la série sur la chaîne publique DR, le «vrai» Danemark a élu Helle Thorning-Schmidt. Première femme à la tête du pays, quadra elle aussi et aux manettes d'un gouvernement de coalition.

Paru dans Libération du 9 février 2012

Borgen , série créée par Adam Price

_ Episodes 1 et 2 (sur 10), ce soir à 20 h 35 sur Arte.

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