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Libération

«Buzz» éclaire

par Olivier Seguret
publié le 4 novembre 2012 à 19h16

Réglons d'abord son compte au titre «français», mal choisi : Buzz - terme fourre-tout dévalué - s'appelle, dans sa langue américaine originale, The Art of Immersion, qui n'était pas bien compliqué à traduire… Certes, lire un pavé barré d'un gros «buzz» dans le métro est déjà presque gênant, mais un tel titre frôle surtout le contresens : le buzz ricoche à la surface des choses ; l'immersion, à l'inverse, nous y plonge.

Buzz, donc, est une enquête aux confins de l'essai signée Frank Rose, journaliste indépendant ayant collaboré à quasiment tous les plus prestigieux médias écrits des Etats-Unis, dont le New York Times, Esquire, Vanity Fair, Rolling Stone, The Village Voice, etc. C'est dans le magazine Wired qu'il creusera plus particulièrement la matière qui le passionne : l'émergence de nouvelles formes de culture liées à l'avènement du Net et de l'ère numérique. On lui doit notamment les premiers grands articles sur les jeux en réalité alternée ou sur les préparatifs du tournage d'Avatar. Rassemblant ses infos et ses esprits, Rose tente avec ce livre de faire passer le message suivant : nous ne sommes qu'au début d'un basculement anthropologique radical. La révolution entraînée par le Net modifie la réalité, et ce monde transformé invente, pour se décrire, sa propre langue et ses propres codes. Il produit pour lui-même les formes narratives inédites nécessaires à son expression. Dans ce paysage, le jeu vidéo occupe naturellement une place de choix, parce qu'il se situe précisément à l'intersection de formes classiques, qu'il mélange et transmute (le film, l'épopée, l'animation…), mais aussi parce qu'il est un agent idéal de la dissémination et de l'éclatement des supports.

Pour mieux faire valoir l'état encore embryonnaire, incertain et tâtonnant de ce nouveau paysage, Rose s'attarde sur certains de ses revers. Il étudie par exemple le cas du jeu Avatar développé par Ubisoft, fournissant un récit détaillé des circonstances de sa production. Malgré l'attention portée par James Cameron, le jeu échouera à se mettre en symbiose avec le film et à créer une bretelle de prolongement de l'univers cameronien. A l'inverse, Frank Rose montre aussi comment des séries comme GTA façonnent avec succès la culture contemporaine. Bref, un bon moyen de faire, sinon le «buzz», du moins le point.

«Buzz», de Frank Rose, éditions Sonatine, 350 pp., 20 €.

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