C'est arrivé near chez vous

par Erwan Cario
publié le 2 février 2011 à 17h38
(mis à jour le 4 février 2011 à 16h40)

La carte fait peur. Serait-elle faite pour? Plus trop envie d'aller se promener dans les environs de Hyde Park, à Londres, du coup. Parce que ces gros disques gris qui affichent des nombres (404, 703, 207, 237, ...) en surimpression sur Google Maps correspondent au nombre de crimes (enregistrés par la police, évidemment). Gloups. Le ministère de l'Intérieur britannique a lancé hier un service de cartographie du crime en Angleterre et au Pays de Galles. Ce n'est pas tout à fait une nouveauté. C'est dans la continuité du service de crime mapping lancé début 2009 ( lire l'article ), mais avec des données centralisées et une précision géographique en apparence beaucoup plus fine.

En effet, lors de la première phase, chacun des 43 départements de police présents en Angleterre et au Pays de Galles devait mettre en place sa propre carte pour identifier le taux de criminalité par quartier à partir des données mensuelles. Police.uk , lancé hier, offre donc une visualisation sur l'ensemble du territoire grâce a des données précisément géolocalisées. On apprend par exemple que, durant le mois de décembre 2010, à Durweston Street, ont été commis un crime violent, un cambriolage et un crime concernant un véhicule. Il suffit de rentrer une adresse précise dans la barre de recherche pour voir surgir les chiffres du crime tout autour. Un peu flippant.

En regardant de plus près les chiffres impressionnants affichés sur une zone, on se rend compte qu'il s'agit d'un regroupement de faits à la gravité variables, les crimes violents et les vols étant additionnés avec les «comportements antisociaux» et les énigmatiques «autres crimes». Il est possible d'effectuer une recherche plus précise en cliquant sur les catégories. De plus, la géolocalisation semble parfois approximative, certaines malversations étant localisées au niveau du commissariat qui les a enregistrées.

Et plusieurs chiffres anormaux ont été repérés. Par exemple à Surrey Street, à Portsmouth, une petite rue résidentielle plutôt calme d'une centaine de mètre, où 136 crimes ont été enregistrés en décembre. Ca n'a pas vraiment plu à la conseillère municipale en charge de la sécurité, qui a déclaré : «Si le cas de Portsmouth est représentatif, ce site une une grosse farce» .

Les cas similaires se sont multipliés depuis hier, car, si le ministère justifie la publication du site par un souci de transparence et par la possibilité donnée aux citoyens d'avoir un œil sur le travail effectué par la police, beaucoup se plaignent de voir leur quartier dévalorisé par les statistiques de criminalités. Les autorités se défendent en expliquant que l'initiative de 2009 n'avait eu aucun impact sur le cours de l'immobilier et qu'il devrait en être de même cette fois-ci.

Mais au delà de ces craintes économiques, les remises en cause du principe même de rendre publiques ces données se sont multipliées. Ainsi Murray Lee, directeur de l'institut de criminologie de Sydney explique-t-il dans le Guardian : «Les cartes du crime sont formidablement séduisantes. Elles réduisent un phénomène social complexe à un nombre limité de points et de figures sur une représentation cartographiée de l'espace. Ce ne sont pourtant pas des représentations de la réalité, mais des artefacts socio-politiques. Démocratiser l'information sur le crime est peut-être une bonne chose, mais ces cartes ne serviront à rien dans la lutte contre la criminalité.»

Mais malgré les critiques, les Britanniques, eux, se sont jetés sur le sercice de cartographie. Résultat : Police.uk a enregistré à son lancement 18 millions d'accès en une heure et n'a pas pu fonctionner le reste de la journée. Et s'il est de nouveau accessible aujourd'hui, ce n'est que par intermittence.

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