Canal + fait tourner les têtes à i-Télé

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 15 juin 2011 à 9h37

Ça tangue à i-Télé. La semaine dernière un article de Rue89 suggérait que Canal + s'apprêtait à sulfater large à la tête de sa filiale. Dans le collimateur : Pierre Fraidenraich, directeur général d'i-Télé, et Albert Ripamonti, directeur de l'info. Ils ont été convoqués jeudi dernier à la maison mère Canal + par le patron, Rodophe Belmer. «Ce n'est ni le premier, ni le dernier rendez-vous entre eux» , commente-t-on à Canal + où l'on assure que ni l'un ni l'autre ne vont être virés, mais qu' «entre Rodolphe Belmer et Pierre Fraidenraich, il y a des discussions qui peuvent faire bouger les choses» . En fait, Belmer, en charge depuis quelques mois de la chaîne info, met les mains dans le cambouis. Et va placer Cécilia Ragueneau, actuelle directrice des nouveaux contenus du groupe, à la direction d'i-Télé.

En cause : les audiences, encore et toujours. La filiale de Canal +, qui se targuait autrefois d'être la «première chaîne d'info de France» au point de l'inscrire dans son slogan, est distancée depuis 2008 par sa rivale BFM TV. A l'époque, Canal + met à la tête d'i-Télé Pierre Fraidenraich, et à celle de la rédaction, Thierry Thuillier. Trois ans plus tard, i-Télé est passée de 0,4% à 1% de parts d'audience, tandis que celle de BFM a grimpé de 0,8% à 1,8%. Plus dur encore, en mai, l'affaire DSK, du nanan pour les chaînes info, a fait battre son record historique à BFM TV (1,8%) tandis qu'i-Télé n'est qu'à 1%. Et ce, déplore un reporter, «alors qu'on sait pertinemment que sur l'audience de DSK la semaine dernière, par exemple, on était meilleurs qu'eux journalistiquement» .

Et puis il y a Albert Ripamonti, venu de France 24 en août dernier remplacer Thierry Thuiller, nommé à France Télévisions. Il a récemment conduit la rédaction au bord de la grève. Pourtant, note une journaliste, «il a obtenu les meilleures audiences que cette chaîne ait jamais connues» . Un autre résume : «Il est gentil mais il manque de créativité.» Avec Canal +, ça ne colle pas vraiment non plus pour Albert Ripamonti : «Il n'est pas parisien, pas florentin, il ne sait pas les séduire» , constate un salarié.

Pourtant, à Canal +, on jure que les audiences ne sont pas en cause. Fin mai, dans une interview à Libération , Rodolphe Belmer taclait BFM TV, déclarant qu'i-Télé ne devait pas «être Fox News» mais chercher le public des «CSP+» , les catégories socio-professionnelles supérieures. «Le problème , note un journaliste, c'est qu'ils veulent faire du CSP+ sans y mettre les moyens.» Et de dénoncer un manque de méthode : «Belmer veut garder la main sur i-Télé mais ne sait pas comment faire ; le journalisme, il ne connaît pas.» Et les bruits qui commencent à courir sur la grille de rentrée ne sont pas faits pour rassurer, notamment l'hypothèse de l'arrivée - encore en discussions- de Marc-Olivier Fogiel sur la tranche 22 h 30-0 h 30 : «On sait bien que ce ne sont pas les stars qui font une chaîne info» , peste une journaliste. Audrey Pulvar, elle, reste en place.

La nomination de Cécilia Ragueneau, venue du monde du marketing et pas du journalisme, pile dans les pattes de Pierre Fraidenraich, va-t-elle améliorer cette jolie ambiance ? En fait, il ne s’agit là que d’une transition, et, après quelques mois en tandem avec Ragueneau, Fraidenraich devrait lui céder sa place, et en retrouver une autre au sein du groupe. Ripamonti, lui, conserve son poste. Pour l’instant.

Paru dans Libération du 14/06/2011

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