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Libération

Canal + se farcit à l’Orange

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 21 janvier 2011 à 11h14

Ah il est loin, le temps de Casimir… Oui, c'est ainsi qu'il y a encore peu, à Canal +, on surnommait la filiale de France Télécom : «Casimir, le gros Orange.» Aujourd'hui, «chut, on n'a plus le droit de dire ça !» rigole un cadre de Canal +. Car le temps est aux accolades entre la chaîne cryptée et Orange. Hier, les deux ont annoncé ce qui «n'est encore qu'un projet» mais déjà dans les tuyaux depuis des mois : le rapprochement d'Orange Cinéma Séries, le bouquet de chaînes de France Télécom, et de TPS Star, la chaîne du groupe Canal +. Le mariage se fera à 50/50 et les deux auront les manettes à parité ; la nouvelle chaîne, rejetonne d'Orange Ciné Max et de TPS Star, portera le très inventif nom d'Orange Ciné Star et proposera essentiellement du cinéma et des séries.

Un joli habillage pour camoufler un beau fiasco : celui d'Orange dans la télé. C'était en 2008, et celui qui était alors à la tête de France Télécom, Didier Lombard, plastronnait : «Le monopole de la télévision payante est terminé.» On allait voir ce qu'on allait voir : pour la première fois, un opérateur télécom se lançait dans le contenu. Première étape : Orange chipe une petite partie des droits du foot à Canal +. Las, pour un seul match le samedi et quelques zakouskis en VOD, l'opérateur débourse la somme astronomique de 203 millions d'euros par an. L'OPA d'Orange sur la télé payante se poursuit avec la main basse sur des contrats avec des studios, jusque-là détenus par Canal + : Warner, Gaumont et HBO, prémices du bouquet Orange Cinéma Séries aujourd'hui marié.

Mais trois ans plus tard, le bilan est sans appel. Hier, Stéphane Richard, le successeur de Lombard, l'a dit sans barguigner : avec cette politique de contenus, «nous avons réalisé la plus basse part de conquête de l'histoire d'Orange» , alors qu'au départ ce tout-sur-la-télé était fait pour grappiller de l'abonné sur ADSL. En 2010, Richard avait même lâché que ses télés perdaient 300000 euros par an avec moins de 500000 abonnés sur l'ensemble des cinq chaînes du bouquet (à comparer avec les 10,8 millions de clients du groupe Canal +).

Les chaînes Orange, auparavant exclusivement disponibles via cet opérateur, seront accessibles sur toutes les autres plateformes, câble, satellite et par ADSL qui pourront aussi accueillir la chaîne issue de la fusion. Au final, c’est double bénéf : Orange capitule sur les contenus (l’opérateur a aussi confirmé qu’il ne réinvestirait pas dans la L1) sans -- trop -- perdre la face, et Canal + éponge le déficit de TPS Star, en croquant un nouvel adversaire. Oui, c’est un paradis.

Paru dans Libération du 20 janvier 2011

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