Censure et filtrage en forte hausse sur le net

L’organisme de recherche « OpenNet Iniative » a rendu public une étude qui souligne une forte augmentation de la censure.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 21 mai 2007 à 19h20
(mis à jour le 21 mai 2007 à 22h38)

A l'occasion de la Global Internet Filtering Conference 2007 qui s'est déroulée le 18 mai 2007 à Oxford, l'organisme de recherche trans-universitaire OpenNet Iniative (1) a rendu public son étude sur le filtrage sur Internet dans le monde, rapportée par AP. Le document souligne avant tout une forte augmentation de la censure. Pour 2006, au moins 25 ont ainsi bloqué des sites web, principalement pour des raisons politiques ou sociales. «Il y a également une augmentation dans l'envergure, la portée et de la sophistication du filtrage d'Internet» ajoute John Palfrey, directeur du Berkman Center d'Harvard .

Les chercheurs de l'ONI se sont dit surpris par ce chiffre. «En 5 ans, on est passé d'un filtrage d'état d'une poignée de pays à 25 (2)» , a souligné Palfrey. D'autant qu'ils présentent leur étude comme non-exhaustive et ce chiffre en dessous de la réalité car ils n'ont eu le temps et les moyens de n'étudier que 40 pays, et les territoires palestiniens. Ainsi l'étude ne comprend aucun pays d'Amérique du Nord ni d'Europe occidentale où ils estiment que les pratiques de filtrage sont les plus connus. Mais pas non plus la Corée du Nord et Cuba, par peur des risques encourus par les collaborateurs locaux dans ces pays.

La Chine, l'Iran, la Birmanie, la Syrie, la Tunisie et le Vietnam sont cités comme les champions de la censure politique. Tandis que l'Arabie Saoudite, le Sultanat d'Oman, le Soudan, les Émirats Arabes Unis, le Yemen, et de nouveau l'Iran et la Tunisie sont désignés comme les plus grands censeurs sur les sites à caractère social, tels que les sites homosexuels, la pornographie et les jeux d'argent en ligne. Une liste relativement proche des «13 ennemis d'internet» définis par Reporters sans Frontières (RSF) , qui dénonce également le Belarus, l'Egypte, Cuba et la Corée du Nord.

Selon Jonathan Zittrain, professeur à Oxford, le filtrage est particulièrement fort dans les pays où le taux de pénétration d'Internet est fort. Ce qui, selon lui, explique peut-être l'absence telles pratiques dans certains pays comme la Russie ou l'Egypte. Par ailleurs, le rapport ne se penche pas sur l'efficacité réelle de ces filtrages, tous contournables techniquement. Selon Zittrain, l'ONI suit l'utilisation et l'évolution de ces pratiques, mais, aujourd'hui, «il est difficile de quantifier le nombre de gens qui le font» .

L'évolution est également qualitative. La censure ne se fait plus seulement sur les contenus politiques et sociaux, mais également sur les services comme Google Maps, YouTube ou Skype. «Peu de pays limitent leur filtrage à un seul type de contenu , rapporte Rafal Rohozinski, chercheur à l'université de Cambridge, une fois que la pratique du filtrage a commencé, il est appliqué à un large éventail de contenu, et peut être utilisé pour accroître le contrôle du gouvernement sur le cyberespaces.»

Sur le site de l'OpenNet Initiative, des cartes permettent de visualiser les degrés de censure dans le monde – de «pas de preuve» à «pénétrant» . selon quatre typologies de contenu : politique (contraire au gouvernement ou en lien avec les droits de l'homme, la liberté d'expression, les droits des minorités ou les mouvements religieux), social (sexualité, pari, alcool et drogues, etc), conflits et sécurité (conflits armés, litiges sur les frontières, mouvements séparatistes, groupes militants) et outils du net (e-mail, hébergement, recherche, traduction, téléphone,…).

(1) L'OpenNet Initiative a pour objectif d'enquêter, d'analyser et de diffuser les pratiques de censure et de surveillance sur Internet. Elle est le fruit d'une collaboration entre quatre centres de recherche universitaire américains, canadiens et anglais : le Citizen Lab at the Munk Centre for International Studies de l'université de Toronto, le Berkman Center for Internet & Society d'Harvard, l' Advanced Network Research Group de l'université de Cambridge et l' Oxford Internet Institute de l'université d'Oxford.

(2) Azerbaïdjan, Bahreïn, Birmanie, Chine, Ethiopie, Inde, Iran, Jordanie, Libye, Maroc, Oman, Pakistan, Arabie Saoudite, Singapour, Corée du Sud, Soudan, Syrie, Tadjikistan, Thaïlande, Tunisie, Turkménistan, Emirats Arabes Unis, Ouzbekistan, Vietnam et Yémen.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus