Champs-Elysées [et ta sœur ? ndlc]

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 15 novembre 2010 à 10h04

C'est un véritable défi au temps que lance Michel Drucker: ce samedi [13 novembre] à partir de 20 h 35, en direct sur France 2 et d'un magistral coup de défibrillateur, il réanime Champs-Elysées . Oui, à la façon dont on arrache d'un coup le sparadrap, on a préféré vous le dire brusquement, histoire que ça ne fasse pas trop mal. Oui, on sait, ça pique un peu quand même. Et qu'il y a de quoi hurler : «HEIN ? QUOI ? CHAMPS-ELYSEES ? ET POURQUOI PAS LE RETOUR DE PATRICK SABATIER TANT QU'ON Y EST ?»

Alors bon. Attendu que l'accusé Drucker Michel nous pourrit la télé depuis plus de quarante ans, attendu qu'il a cru utile d'aller chercher sur l'étagère à rebuts moisis son vieux Champs-Elysées de 1982, le Dr Garriberts a sorti sa machine à voyager dans le temps. Champs-Elysées de 82 ? Libération de 82 ! Celui avec les petites annonces «Sandwich Chéri(e)s» où on s'invitait à se glisser entre deux tranches de fesses ; celui où, dans les grilles télé, on traitait de «petits cons» les gentils enfants de l'Ecole des fans ; celui des «ndlc» . Qui ne signifie pas «Non dans le cul» (ben quoi, on écrit comme en 82 ou bien ?) mais «Note de la claviste» , ces femmes qui, en ces temps non informatisés, tapaient les textes des journalistes avant la composition des pages et l'impression. Et, à Libération , la claviste n'hésitait pas à intervenir dans les textes des journalistes, afin de donner son avis [ bon, les deux, là, vous avez pas l'impression que votre intro est trop longue?, ndlc] . Ta gueule, la claviste !

«Roulo Essuieglass»

Tam, tam-tam, tam, tam-tam [hein ?, ndlc] Ben, le générique, voyons, qui huit ans durant a accompagné nos samedis soirs en même temps que la déréliction de la gauche au pouvoir [quelle déréliction ? Fachos ! ndlc] . Variétés post-Guy Lux et Carpentier, Champs-Elysées , sur fond d'Arc de triomphe triomphant [à peine ronflant le style, ndlc] dégueulait ses invités endimanchés [c'est mieux comme ça ? nda][Mouais, allez-y, continuez, ndlc] devant le Pavillon Gabriel, réceptacle de ce brouet. Là, trônait déjà le Michel Drucker en costume. Déjà sucre et guimauve. Possédant déjà ce talent de rendre le temps plus lent. Et surtout ayant, à ses débuts, le mauvais goût de se trouver face à, sur TF1, Droit de réponse ET Dallas . Là défilaient les chanteurs d'époque (Mireille Mathieu, Dalida, Michel Sardou), les comiques d'alors (Jacques Brière et Michel Bonnet, non, nous non plus, la claviste, on ne sait pas qui c'est), voire les deux puisqu'en février 1982 Jean Lefebvre y interpréta un air d'opéra et Léon Zitrone y récita du Ronsard.

Dire si la chose inspirait le Libération de 1982 ! Ainsi qu'on disait en ces temps reculés, c'était du cake : «La Sabatier-brushing et Michel Drucker s'échangent leurs invités», «variétés tartes», «variétés qui collent», «émission de variétés de Drucker-plus-j'aboie-les-noms-mieux-c'est», «variétés ancien régime» . L'on frisait même alors l'injure en qualifiant Michel Delpech de «diva des comices agricoles» et l'élégant chanteur ibère Julio Iglesias de «Roulo Essuieglass» . Ouais bon, c'est de la vanne de 82 [et elle vous emmerde, la vanne de 82, ndlc]

Michel Drucker n’est pas mort

Tam, tam-tam, tam, tam-tam … Aaaah non, pas ça ! Mais si : ça. Le générique, l'Arc de triomphe… en bandes-annonces impromptues en ce moment sur France 2, comme un Vietnam télévisé, comme un goût de vieille soupe et de nouilles recuites de la cantine. Champs-Elysées revient, chacun de ses bas-reliefs étant minutieusement reconstitué, du générique aux limousines d'où descendront les vedettes pour fouler le tapis rouge du studio Gabriel (même si, en l'état de nos investigations, on ne sait pas si Redha et son ballet qui illuminaient la version 82 seront de la partie). Et en direct Michel Drucker [il est pas mort ? ndlc] qui n'est pas mort recevra le fleuron des artistes de 2010 : Alain Delon [il est pas mort ? ndlc] , Pierre Perret [il est pas mort ? ndlc] , Julien Clerc [il est pas mort ? ndlc] , Charles Aznavour [il est pas mort ? ndlc] , Patrick Bruel [c'est qui, çui-là ? ndlc] .

Si, à ses débuts, l'émission durait à peine plus d'une heure, là, c'est deux heures et quart de Drucker qu'il va falloir s'appuyer. Heureusement, France 2 sait nous appâter en promettant une émission «chic, glamour, magique et imprévisible» [Serge July, il a dit qu'il fallait pas recopier le dossier de presse, ndlc] . Le tout entrecoupé des meilleurs moments du show car, ose la Deux, qui ne se mouche pas du coude dans son jean élastis, «ces images sont devenues le véritable sismographe des années Mitterrand» : ah ah, Gainsbourg et Whitney Houston ; oh, l'émotion Romy Schneider ; ah, le clip Thriller dont Champs-Elysées eut l'exclu et si, amie claviste, il est mort Michael Jackson.

La télé chébran de 2010

[Mais c'est vraiment chébran, en 2010, de refaire de vieilles émissions ? ndlc] Ne nous en parle pas, chère claviste, tu ne serais pas dépaysée : il n'y a que ça, des vieilles croûtes à la télé. Le Juste Prix est revenu, Tournez manège et Une famille en or aussi, la Roue de la fortune tourne de nouveau et l'Ecole des petits cons , non, des fans, a été ressuscitée. [C'te guebla, l'Ecole des fans dont on écrit que c'est «le moment le plus répugnant de l'après-midi» ? Et pourquoi pas Des chiffres et des lettres tant qu'on y est ? ndlc] Ben clavistounette, en fait, Des chiffres et des lettres ne s'est JAMAIS arrêtée, et Bertrand Renard est TOUJOURS là ! Et si, en plus de Michel Drucker, on te dit Patrick Sébastien, Patrick Sabatier, Thierry Ardisson, les frères Bogdanoff et Jean-Pierre Foucault ? [Morts? ndlc] Mais non, tous vivants, même si les Bogdanoff ont pris cher.

[Et Apostrophes, «l'émission rasoir à tête pivotante» comme on écrit dans les années 80, ça existe toujours ? ndlc] Non, mais figure-toi que Bernard Pivot remet le prix Goncourt, maintenant. [Naaan ? ndlc] Siii ! En revanche, on ne peut pas te révéler ce que fait le petit-fils de Simone Signoret, tu ne nous croirais pas. De même, on ne te raconte pas ce qu'est devenu Frédéric Mitterrand [Mittécran, comme on l'appelle ? ndlc] , ça ferait un trou dans l'espace-temps.

Paru dans Libération du 13/11/2010

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