Menu
Libération

Chine, Thaïlande et Vietnam : Internet, l'ennemi commun

par Stéphanie GOUTTE
publié le 6 janvier 2009 à 13h19
(mis à jour le 6 janvier 2009 à 18h58)

Dans des régimes où les médias sont contrôlés par l'État, l'opinion publique s'exprime sur la toile, via cybercafés, pseudonymes et blogs. Ce qui n'est pas forcément du goût des dirigeants. En moins d'un mois, trois gouvernements asiatiques ont annoncé un durcissement de la censure du web.

Grande spécialiste du contrôle des réseaux, la Chine a lancé hier une nouvelle campagne pour lutter contre les contenus «indécents» sur Internet. Au total, dix-neufs sociétés Internet sont visées pour ne pas avoir supprimé assez vite des contenus jugés immoraux, ou pour ne pas avoir respecté la ligne de conduite imposée par le ministère de la Sécurité publique. Parmi eux, les moteurs de recherche Google et Baidu, accusés de propager des contenus jugés vulgaires. Ce qui concerne évidemment tout autant les propos pornographiques que l'expression d'idées politiques allant à l'encontre du régime.

Hanoï a vu d'un mauvais œil la blogosphère se développer et a adopté, le 22 décembre, une circulaire pour limiter l'expression des internautes. Cité par Unimaru.fr , Mr Cold, un blogueur vietnamien explique la démarche de ceux que l'on appelle des cyberdissidents. «On n'ira pas dans la rue, on ne criera rien. Nous sommes assis devant un écran, tapant et bloguant. C'est comme ça que nous nous rebellons. Les médias officiels décident de ce qu'on va entendre, lire et voir. Ils sont esclaves des communistes.»

Aujourd'hui, le Vietnam compte près d'un million de blogs pour 85 millions d'habitants. Une nouvelle forme d'expression sur laquelle le gouvernement en place souhaite garder un contrôle. Cinq activités sont désormais interdites. Sont concernées toutes les publications qui pourraient «nuire à la sécurité nationale, inciter à la violence ou au crime, révéler les secrets d'Etat, inclure des fausses informations nuisant à la réputation d'individus ou d'organisations» . Les hébergeurs et autres entreprises spécialistes du net, ont obligation de rendre un rapport semestriel au gouvernement, et de fournir, sur simple demande des autorités, toute information concernant les blogueurs.

Selon le quotidien Thanh Nien Daily , le ministère de l'Information «contactera Google et Yahoo! en vue d'une coopération pour créer l'environnement pour les blogueurs le plus sain et le meilleur possible» . La cyber-censure du gouvernement vietnamien ne date pas d'hier. Plusieurs blogueurs sont déjà en prison. Par exemple Dieu Cay, de son vrai nom Nguyen Hoang Hai, a été incarcéré pour avoir tenu sur son blog des propos jugés sensibles, concernant la politique extérieure de son pays. Officiellement, il a été arrêté pour fraude fiscale.

De son côté, le gouvernement Thaïlandais a annoncé le 30 décembre avoir bloqué 2300 sites en 2008, la majorité au motif de crime de lèse-majesté. Passible de 15 ans de prison, les propos insultant la monarchie en place semblent se répandre sur la toile, en écho aux conflits politiques internes qui secouent le pays. La veille, la nouvelle ministre des Communications et de l'Information, Ranongrak Suwanchawee, a déclaré que la priorité de son ministère était de « bloquer les sites Internet insultant la monarchie ». Cette annonce fait suite à un appel des démocrates au pouvoir pour durcir la législation sur le crime de lèse-majesté.

Dans son bilan 2008 , Reporters sans frontières a dénombré près de 1800 sites d'informations censurés, 59 blogueurs interpelés, et, pour la première fois, un blogueur tué. RSF constate qu' «à mesure que la presse écrite et audiovisuelle se transforme et que la blogosphère prend une envergure mondiale, la prédation s'exerce sur Internet.»

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique