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Libération

Chronologie des médias : «il y a maintenant un shérif»

par Astrid GIRARDEAU
publié le 3 avril 2009 à 17h11

Trois, quatre ou six mois ? Hier soir, l'un des derniers articles examinés par les députés, dans le cadre du projet de loi Création et Internet, concernait ce qu'on appelle la chronologie des médias. C'est-à-dire les délais de diffusion des films en DVD et en VOD après leur sortie en salle (aujourd'hui respectivement de six et sept mois). Les députés ont adopté un texte tiède qui montre une volonté de réduire ces délais, sans se mettre à dos toute la profession cinématographique et audiovisuelle très remontée sur le sujet.

Début mars, Alain Terzian, président de l'UPF (Union des producteurs de films) réagissait : «trois mois, ce n'est pas réalisable économiquement, ... tout s'écroulerait» , et Bertrand Méheut, président de Canal + et de l'ACP (Association des chaînes privées) d'enchaîner : «l' idée de vouloir avancer la fenêtre VOD est mauvaise et (...) ce serait relativement inutile face au piratage, les pirates récupérant les films le plus souvent avant même cette fenêtre.» De son côté, dans le JDD du 8 mars, la ministre donnait le ton : «une concertation avec les professionnels est en cours [pour réduire le délai à quatre mois pour les deux supports]. Nous agirons par décret si elle n'aboutit pas» . Quatre mois, c'est aussi ce qu'a préconisé le CNC , début janvier, dans une lettre adressée aux professionnels.

Déposé par le rapporteur, Franck Riester, l'amendement adopté, le 515 propose de fixer à quatre mois l'exploitation d'un film en DVD après sa sortie en salles. Toutefois, après avis du CNC ou du médiateur du cinéma, ce délai pourra être ramené à trois mois ou porté à six mois. Selon le rapporteur, cette proposition permet «de tenir compte des réalités» et s'adapter à la diversité des films, et de leur succès en salles.

«Nous avons pris la décision d'instaurer enfin un système de régulation sur Internet, de mettre en place une autorité administrative qui fera régner de l'ordre pour que des gens ne puissent plus proposer des œuvres de manière illégale, et pour que d'autres ne puissent pas profiter ainsi du travail d'autrui , a déclaré, pour sa part Frédéric Lefebvre. Il y a maintenant un shérif. Il n'y en avait pas auparavant.»

Les rapporteurs pour avis, Bernard Gérard et Muriel Marland-Militello, ont proposé d'opter pour un dispositif plus simple, et «d'avoir un délai qui s'applique à tout le monde» de quatre mois. Mais la ministre a soutenu que «s'agissant d'une question aussi délicate» , il lui semblait «nécessaire de ménager des possibilités de modulation, c'est-à-dire des dérogations» et d'éviter de «mettre en péril la survie des salles de cinéma» .

Ce texte se limite cependant à la sortie en DVD. Un même délai ne peut être appliqué à la VOD que par accord interprofessionnel. Ou à défaut par décret. Et c'est bien ce qui est prévu explicitement dans l'amendement. On y lit ainsi : «qu'à défaut d'accord professionnel rendu obligatoire dans un délai d'un mois, l'œuvre cinématographique peut être mise à la disposition du public par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande» dans les mêmes conditions que la sortie en DVD. «Cela n'a pas grand sens , a réagi le député PS Patrick Bloche. Soit on y verra un pistolet posé sur la tempe, soit on y lira la reconnaissance qu'il est impossible d'obtenir un accord interprofessionnel dans le délai d'un mois.»

Ce dernier a par ailleurs tenu à rappeler que si Bienvenue chez les Ch'tis a été le film le plus téléchargé illégalement , en France, en 2008, c'est aussi celui qui a fait le plus d'entrées en salle. Avant de conclure : «j'ai l'impression – c'est une réflexion personnelle, nous verrons ce qu'elle vaudra dans quelques années – qu'Internet est un élément d'émulation et que, d'une certaine façon, téléchargement illégal et entrées en salle font bon ménage.»

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