«Cinéma, cinémas» revient par d'autres fenêtres

Télé. Le magazine, au générique truffé des portes d'«Alphaville» de Godard, va être édité en DVD et rediffusé sur France 4.
par Bruno Icher
publié le 2 avril 2008 à 2h57

Voici un peu plus de vingt ans, quelques magazines de télévision faisaient souffler un vent d'audace sur les trois chaînes hexagonales fraîchement colorisées. Entre autres, Moi Je, produite par Pascale Breugnot ou Contre-enquête d'Anne Hoang. Le plus célèbre de ces magazines reste Cinéma, cinémas, signé Claude Ventura, Anne Andreu et Michel Boujut, la fine équipe des débuts à qui il faut ajouter le travail de Philippe Garnier à Los Angeles. En parler à des quadras (âge minimum requis) déclenche aussitôt une violente éruption nostalgique évoquant, pêle-mêle, la chaude voix off (il y en avait deux, Jean-Claude Dauphin et Michel Boujut), la musique du générique (bande originale de A Place in the Sun de George Stevens), le couloir d'Alphaville ou encore les dessins de Guy Peellaert.

Aujourd'hui, le service public, par le truchement de France 4, annonce l'édition DVD d'une première sélection issue des 91 émissions. Les sujets du DVD, disponible avant la fin de l'année, seront également diffusés sur France 4, à partir du 19 mai, pendant le festival de Cannes qui en diffusera deux épisodes sur grand écran dans la section Cannes classique. «Pour le DVD, nous avons fait des choix conformes à ce qu'était alors l'émission, en évitant ce qui ne nous plaît pas, dit Claude Ventura. Par exemple, regrouper les interviews de réalisateurs américains, ou effectuer un découpage des sujets selon une approche chronologique. L'idée de départ de l'émission, voulue ainsi par Pierre Desgraupes, c'était un magazine de cinéma hors promotion». Précision de Michel Boujut : «Et il avait ajouté cette sage précaution : n'oubliez pas les gonzesses.»

La suite, les fans s'en souviennent parfaitement : des entretiens avec Frank Capra, Sterling Hayden, Rock Hudson, Robert Mitchum, des reportages sur Cannes, un tournage orageux chez Pialat, un autre forcément bordélique chez Mocky, les tics d'Anthony Perkins, la beauté pour toujours de Pascale Ogier, l'enlacement tendre de John Cassavetes et Gena Rowlands, se croyant hors du champ des caméra pendant le tournage de Love Streams, l'interview silencieuse de Juliette Binoche et mille autres moments immenses ou dérisoires. «Quand on se retrouvait dans ces maisons de Hollywood, discutant avec toutes ces stars, on se disait : "Ah, si les copains me voyaient."», rigole Claude Ventura. «Cinéma, cinémas, c'était du cinéma», résume Jean-Pierre Jeunet qui, grâce à l'argent gagné avec son Amélie Poulain, s'est attaché à rendre possible cette édition, avec le concours de France 4 et de l'INA. Pour autant, l'enthousiasme général qui accueille la première édition DVD (et la première rediffusion télé) de cette émission révèle, plus qu'elle ne masque, la terrible réalité de la télévision aujourd'hui. Rediffuser Cinéma, cinémas, même amputée de sujets par-ci par-là, pour question de droits exorbitants, est une excellente nouvelle. Imaginer le Cinéma, cinémas des années 2000 en serait une meilleure encore.

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