Un coin de forêt, aux reflets dorés. Une rivière, illuminée par un rai de soleil, sépare la rive en deux. Une biche apparaît sur la gauche, tout en bonds gracieux. Elle cherche à rejoindre le versant opposé. Au-dessus du cours d'eau, une sorte de plateforme qu'il est possible de déplacer de gauche à droite. D'un simple mouvement de souris, le joueur vient la placer sous les sabots du cervidé pour le faire rebondir et ainsi franchir en toute sécurité le large fossé. Bientôt, une autre biche apparaît. Poétique, simple, et apaisant, ce jeu, intitulé Crossing, résume les caractéristiques d'une réalisation Orisinal.
Natif de Padang (Indonésie), installé à Fresno (Californie), Ferry Halim a lancé Orisinal (de son nom complet Orisinal: Morning Sunshine) en 2000. Comme un «terrain de jeu et d'expérimentation», raconte le développeur, à côté de ses projets professionnels (par exemple pour les sites des chaînes Cartoon Network ou Comedy Central). Neuf années plus tard, à un rythme ralenti au fil du temps, le site propose une cinquantaine de minijeux, dont le dernier, Drifting Afternoon, est sorti en novembre.
«Chaque fois que Ferry Halim sort un jeu, je me dis que c'est la plus belle et élégante combinaison de musique et de travail artistique de l'histoire du jeu casual.» La critique est signée John Bardinelli, du site américain JayGames, spécialisé dans les jeux sur Internet. Elle témoigne d'une admiration quasi unanime, même chez les adeptes de jeux autrement plus rapides et sanguinolents.
Loin, très loin des canons du genre, Ferry Halim a su rapidement installer un univers. L’esthétique aux couleurs pastel est légère et vaporeuse, et le style «propret». On y croise de petits animaux et insectes (chiots, canards, pandas, coccinelles), et des objets liés à l’enfance (ballons, bulles de chewing-gum).
L'action y est, disons, pas trop active. Et pas un millilitre d'hémoglobine : «Je ne veux pas mettre de sang ou d'organes décapités, car je veux qu'ils soient jouables par les petits comme les grands», explique Ferry Halim. Simplissime, le game-play se limite, la plupart du temps, au clic et au mouvement de la souris. Il s'agit, par exemple, d'aider un petit lapin blanc à faire tinter le maximum de clochettes (Winterbells), de récolter des étoiles en faisant s'envoler l'ombre d'une fillette (Pocketful of Stars) ou encore d'attraper des abeilles dans des bulles de savon (Bubble Bees). Le tout est nappé d'une musique gentiment mielleuse de violon et piano.
Pour rappeler toutefois qu’on est dans un jeu, quelques bonus sont là pour pimenter un peu (mais pas trop) la quête de score. Tous les ingrédients concoctent une mièvrerie absolue. Et pourtant, le charme opère. Le «petit jeu Internet» devient une expérience charmante, presque reposante.
www.ferryhalim.com/orisinal