Frédéric Lefebvre défend les créateurs partout, sauf sur son site perso

par Astrid GIRARDEAU
publié le 19 décembre 2008 à 13h56
(mis à jour le 20 décembre 2008 à 13h18)

«Il nous faut réguler Internet partout dans le monde, afin (...) que cet espace continue à se développer dans le respect de la personne humaine et des principes démocratiques. Notre pays doit montrer la voie.» L'auteur de ces mots est le député des Hauts-de-Seine et porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre, à l'Assemblée nationale , lundi dernier 15 décembre, lors de la présentation de son amendement visant à «réguler Internet» , véritable de nid de «trafiquants d'armes, psychopathes, violeurs, racistes et voleurs» . Il poursuivait : «Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ?»

Seul souci, comme le révèle Laurent Suply dans le blog Suivez le geek du Figaro , Lefebvre se livre lui-même à ce genre de pratiques sur son propre site personnel . Il y publie en effet une liste de caricatures (vidéos et dessins) autour de son propre personnage médiatique. Jusqu'ici pas de problème, on peut même admirer l'auto-dérision du personnage. Sauf qu'il s'agit d'œuvres protégées, et qu'elles sont publiées sans l'autorisation de leur auteur, sans citer leur nom alors qu'elles sont réalisées par des caricaturistes de métier, comme Sébastien Rieu ou des dessinateurs comme SNUT qui officie en exclusivité, sous contrat, pour PC Inpact .

«Surpris, nous avons eu beau fouiller notre base email, creuser notre boîte aux lettres, jamais la moindre autorisation ne nous a été demandée par ce justicier des temps modernes. Du coup, jamais nous n'avons eu la possibilité de la lui accorder» , ironise Marc Rees , rédacteur de chef de PC Inpact.

Par ailleurs, dans la galerie d'images, on trouve également une photographie montrant Lefebvre avec Jean Sarkozy et Patrick Devedjian , du photographe Régis Duvignau pour Reuters, clairement tamponnée «Not For Public Use» (pas d'utilisation public). (voir ci-dessous)

DR

Ce n'est pas vraiment un première. On se souvient par exemple de John McCain, grand défenseur du copyright, accusé par différents artistes d'utiliser, sans leur permission, certains de leurs morceaux pour ses meetings et autres spots publicitaires. Parmi eux, les Foo Fighters dont le titre My Hero était utilisé (en plus à contre-sens) pour la BO de la campagne présidentielle.

Pour sa défense, suite à la parution de l'article, Frédéric Lefebvre cite l'article L 122-5 alinéa 9 du code de la propriété intellectuelle selon lequel «sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source» , l'auteur ne peut interdire la divulgation d'une œuvre dans le cadre de la « reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d'une œuvre d'art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d'indiquer clairement le nom de l'auteur.» Et que «le premier alinéa du présent 9° ne s'applique pas aux œuvres, notamment photographiques ou d'illustration, qui visent elles-mêmes à rendre compte de l'information» .

Si on s'en tient au texte, la parution de ces caricatures n'intervient pas ici dans un «but exclusif d'information immédiate» . Ensuite, il reste à voir si les caricatures visant «elles-mêmes à rendre compte de l'information» sont concernées par ce texte. Par ailleurs, la page web en question ne peut pas prétendre au statut de Revue de presse, celui-ci étant, réservé aux organes de presse. Mais surtout, le nom de l'auteur et la source ne sont pas clairement cités, règle de base de tout usage d'image sur Internet qu'elle soit sous exclusivité, sous licence Creative Commons ou encore Licence d'Art Libre. «Le droit moral de l'auteur ne souffre aucune exception» , résume Me Matthieu Cordelier, avocat spécialiste des questions liées à la propriété intellectuelle et aux NTIC, interrogé par Le Figaro .

Le temps que Laurent Suply rédige son article, l'équipe du député, contactée, a décidé de supprimer immédiatement certains dessins, notamment deux caricatures de SNUT. «De fait, si les pages ont été nettoyées au Karcher(c) nous trépignons maintenant d'impatience que la loi Hadopi et la régulation entrent enfin en application afin de faire enfin du web un endroit si propre, si net» , conclut Marc Rees .

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