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Libération

Comment écrire à ET

par Edouard Launet
publié le 31 décembre 2007 à 16h16

La semaine dernière, pour fêter son 90e anniversaire, Arthur C. Clarke a «posté» une vidéo de neuf minutes sur YouTube (ci-dessous). Il y formule plusieurs vœux, dont celui-ci : «Que l'on ait rapidement la preuve d'une vie extraterrestre.» L'auteur de 2001 : l'Odyssée de l'espace est convaincu que le cosmos est rempli de bonhommes verts qui brûlent de nous envoyer des lettres d'amour, à moins que ce ne soient des factures.

Clarke a l'air de péter la forme, au point qu'il ne résiste pas à la tentation de resservir, bien calé sur sa chaise roulante, des blagues éculées du genre «être vieux, c'est quand les bougies coûtent plus cher que le gâteau» . Mais tout de même, insiste l'écrivain, qui doit s'ennuyer ferme au Sri Lanka où il réside depuis des années, le temps passe vite «et nous attendons toujours qu'ET veuille bien nous appeler, ou nous faire signe d'une manière ou d'une autre».

Il est probable, Sir Arthur, que nous attendrons encore très très longtemps. Deux astrophysiciens canadiens, Yvan Dutil et Stéphane Dumas, viennent de pousser une sorte de cri d'alarme que la revue New Scientist (du 18 décembre) a condensé en ces termes : les extraterrestres ne nous répondent pas parce qu'on leur envoie des messages bien trop emmerdants. Officiellement, quatre messages de l'humanité ont déjà été expédiés vers les étoiles. Des choses absconses qui parlent de physique, de chimie et un peu de biologie, le tout dans une langue plus proche du morse que de l'alexandrin. Bref, le genre de bafouilles auxquelles personne n'a vraiment envie de répondre, même quand on réside dans les faubourgs d'Alpha du Centaure (à quatre années-lumière de chez nous, en prenant tout de suite à gauche en sortant).

Les deux Canadiens proposent que, dans ces messages ex-orbi, on parle plutôt de nous, de nos problèmes, de nos aventures. Et le Dr Douglas Vakoch est tout à fait d'accord. Vakoch est le type qui, sur cette planète, est payé à plein temps pour réfléchir au meilleur moyen de communiquer avec les extraterrestres. Il est directeur de l'unité «Composition de messages interstellaires» au Seti Institute , belle organisation californienne qui se consacre à la recherche d'intelligences extraterrestres. Le problème de Vakoch n'est pas tant d'établir le contact que de réfléchir au cas inverse : si un jour nos copains des étoiles lointaines nous envoyaient un message, que leur répondrait-on ? Comment ferions-nous pour exprimer le mieux possible ce que c'est d'être humain ? Voilà qui rejoint les préoccupations canadiennes.

Raconter l’homme est une tâche qu’il faut d’urgence ôter aux astrophysiciens pour la confier aux écrivains. Commençons par faxer dans le vide interstellaire les six tomes du Lagarde et Michard, et voyons sur quels extraits nos nouveaux amis percutent !

Sir Arthur C Clarke: 90th Birthday Reflections - DR

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