Comment les Etats «googlisent» leurs citoyens

par Camille Gévaudan
publié le 27 octobre 2011 à 16h19

«Une adresse IP, une liste de contacts YouTube, sans oublier quelques courriels Gmail et, si vous avez ça en stock, l'agenda numérique détaillé de l'internaute suspect. Merci !» Tous les jours, c'est ainsi que les gouvernements et tribunaux du monde entier font leurs courses de données personnelles auprès de Google, réclamant à l'entreprise californienne de leur fournir toutes informations utiles à des fins d'enquêtes. Certains pays chargent leur caddie à bloc -- c'est le cas des États-Unis, notamment, qui examinent chaque année à la loupe des dizaines de milliers de vies numériques. Le deuxième pays le plus demandeur d'informations est l'Inde. Et sur la troisième place du podium, suprise ! C'est la France qui vient d'arriver. Les autorités hexagonales ont cumulé 1300 sollicitations auprès de Google entre janvier et juin 2011. C'est 27% de plus qu'au semestre précédent.

«Le nombre de demandes que nous recevons concernant les informations liées aux comptes d'utilisateurs dans le cadre d'enquêtes criminelles augmente d'année en année» , constate Google dans son «rapport de transparence» détaillé, publié sur un site dédié . Mais «cette augmentation n'a rien de surprenant, car nous offrons chaque année davantage de produits et de services, et nous disposons d'un grand nombre d'utilisateurs.»

Pourrait-on alors étudier un indice plus pertinent, comme l'évolution du nombre d'internautes concernés par de telles demandes ? Au cours du dernier semestre, la France s'est penchée sur les données de 1622 citoyens. Malheureusement, Google ne peut pas divulguer les antécédents : «nous n'avions pas commencé à divulguer d'informations sur les organisations, les comptes et autres spécifiés dans les demandes de renseignements avant la période de référence comprise entre janvier et juin 2011.»

Ne reste à se mettre sous la dent que le pourcentage de «demandes satisfaites intégralement ou en partie» . Ce chiffre est plus moins important selon la bonne volonté que mettent les États à garder une juste proportionnalité du volume d'informations réclamées par rapport à l'affaire concernée. Certaines autorités gouvernementales et judiciaires visent trop large en demandant l'intégralité des informations que possède Google sur un internaute, quand une fraction seulement suffirait à l'enquête -- peut-être par ignorance de l'étendue des activités de Google. Dans ce cas, c'est Mountain View qui choisit d'amincir le dossier : «Nous examinons les demandes attentivement et fournissons uniquement les informations appropriées et légitimes dans le cadre d'une requête. Nous pouvons refuser de fournir des renseignements ou essayer de limiter la demande dans certains cas.»

Les États-Unis sont les mieux rôdés à l'exercice : 93% de leurs demandes sont satisfaites. Le Brésil, le Japon et Taïwan sont également au-dessus de la barre des 80%. En France , en revanche, beaucoup de requêtes tombent à l'eau et le pourcentage de «réussites» est même en baisse : de 56% fin 2010, il est passé à 48% début 2011.

«Les statistiques couvrent principalement les demandes en rapport avec des affaires criminelles» , précise Google à l'intention des curieux et des paranoïaques. «Toutefois, comme nous ne pouvons pas toujours avoir la certitude qu'une demande concerne une enquête criminelle, il est probable qu'un petit nombre de demandes n'entre pas dans cette catégorie.» Elles peuvent concerner de simples affaires d'injures ou de diffamation, comme ce fut le cas dans l'affaire Nadine Morano / YouTube. En 2009, alors secrétaire d'État à la Famille, cette dernière avait demandé à YouTube et Dailymotion d' identifier un internaute ayant écrit «Hou la menteuse» dans les commentaires d'une vidéo la concernant. Loin d'une affaire criminelle, l'injure publique envers un membre du ministère ne constitue qu'un délit... mais c'est ce type d'affaires, par exemple, qui peuvent aisément gonfler les statistiques publiées par Google.

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