Contre la censure, RSF construit un bunker numérique

par Sophian Fanen
publié le 25 juillet 2012 à 18h26

Reporters sans frontières (RSF) a confirmé le lancement, en octobre, de son «coffre-fort numérique» ultra sécurisé, via le site Wefightcensorship.org , désormais ouvert sur invitation en version bêta.

Ce chantier avait été ouvert en 2010, lors de la création -- dans le locaux parisiens de RSF -- d'un «abri anti-censure» tout ce qu'il y a de plus physique. Une salle, protégée, où «journalistes, blogueurs et dissidents réfugiés ou de passage à Paris, [viennent] apprendre comment contourner la censure, protéger leurs communications et conserver leur anonymat en ligne.» Ces derniers peuvent également apprendre à communiquer sereinement depuis le monde entier via «des services anonymes à haute vitesse, comprenant e-mail chiffré et accès au Web [par le] réseau XeroBank , notamment à travers un VPN (Virtual Private Network, réseau privé virtualisé)» .

Ce réseau, expliquait RSF en 2010, devait «être accessible aux utilisateurs de l'Abri à Paris, mais aussi à leurs contacts partout dans le monde et à toutes les personnes identifiées par Reporters sans frontières [...], grâce à la mise à disposition de codes d'accès et de clés USB. Ces clés, prêtes à l'emploi et sécurisées, [devaient être] fournies sur demande aux utilisateurs afin de pouvoir accéder aisément au service de XeroBank.» Dans la pratique, ce sont surtout les correspondants de RSF qui se sont servis du réseau XeroBank.

Extraits du site de XeroBank.

Wefightcensorship est aujourd'hui «la suite» de cet abri anti-censure, un bunker virtuel à l'échelle internationale, explique à Ecrans.fr Olivier Basille, directeur de RSF. Pas question pour autant de confirmer si le nouveau réseau sécurisé utilisera lui aussi les services de XeroBank, une entreprise qui s'est fait un nom en proposant une série de programmes capables de contourner la censure d'Internet -- notamment en Chine --, en particulier grâce à son navigateur XB Browser , basé sur Firefox et Tor , un logiciel libre d'anonymisation de la navigation.

RSF «n'a aucun intérêt» à détailler le fonctionnement technique de son nouveau réseau, continue Olivier Basille. Autant «pour des questions de législation» (l'emplacement des serveurs peut être crucial si la justice s'en mêle un jour) que parce que Reporters sans frontières «s'attend à ce que ce réseau soit un jour attaqué» .

Dans la pratique, il s'agira bien d'un réseau décentralisé de serveurs et sites miroir qui proposeront un espace de stockage crypté et l'ensemble des outils pour faire circuler des informations en toute sécurité, accompagnés de fiches explicatives en plusieurs langues. Bien sûr, accéder aux sites du réseau sécurisé de RSF restera le premier défi dans certains pays, d'où l'intention de «multiplier les opérations locales, la fourniture de clés USB équipées, et la pédagogie qui doit aller avec» , qui devrait permettre, le plus discrètement possible, de diffuser les logiciels de type VPN. Pour Olivier Basille, «c'est une guerre qui est d'abord technologique» , contre des régimes qui verrouillent strictement le réseau comme l'Iran, le Pakistan ou la Chine, mais aussi contre une surveillance plus diffuse opérée par de nombreux pays.

Outre ces activités de stockage, l'objectif de Wefightcensorship est aussi «de rendre accessible des articles et informations censurés auprès des populations locales, détaille encore le directeur de RSF. Dans le passé, quand Libération, par exemple, a publié l'article d'un journaliste vietnamien censuré, c'était une démarche importante, mais l'impact de cet article -- en français -- sur les populations concernées restait faible. Internet nous permet aujourd'hui de les toucher directement.»

Ce sera le rôle d'un «outil de publication» que RSF tient à démarquer du travail de WikiLeaks. «WikiLeaks publie des données brutes que les journalistes sont amenés à manipuler dans leur travail de tous les jours mais qui ne sont pas forcément des informations importantes. Ce que nous publierons sera évalué par un comité éditorial et notre réseau de correspondants. Nous avons depuis longtemps la capacité d'évaluer l'impact d'un travail journalistique. La différence, c'est que les reportages censurés que nous diffuserons pourront désormais toucher» les lecteurs visés à l'origine. «Publier l'article d'un journaliste emprisonné ou décédé, c'est montrer que l'information dépasse la personne, qu'elle a un impact sur la société.»

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