«Copy Party» : c'est la fête à la bibliothèque !

par Camille Gévaudan
publié le 7 mars 2012 à 17h03
(mis à jour le 7 mars 2012 à 17h34)

La bibliothèque universitaire de La Roche-sur-Yon (Vendée) connaîtra ce soir une affluence inhabituelle... et sans doute intrigante pour les non-initiés, en accueillant à partir de 18 heures la toute première copy party de France : tous les férus de culture attachés au principe de copie privée sont invités à venir «équipés de scanners, de smartphones ou d'ordinateurs portables pour copier livres et DVD en provenance des collections de la bibliothèques» . A volonté, et en toute légalité !

Cette drôle d'idée est née pour répondre à une mise à jour de la loi Lang sur la copie privée (datant de 1985), votée par le Sénat en janvier 2012. Dans sa forme actuelle, cette disposition juridique prévoit toujours que l'auteur d'une œuvre «ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» . Mais un amendement déposé par le député UMP Lionel Tardy a drastiquement restreint le champ de cette exception au droit d'auteur : désormais, seules les copies «réalisées à partir d'une source licite» seront autorisées. Il faudra donc que l'utilisateur sache qui a diffusé l'œuvre-source, dans quelles conditions, avec ou sans accord des auteurs et des ayants droit... Des informations particulièrement difficiles à dénicher dans le cas d'une œuvre diffusée sur Internet, par exemple. Bref, «cette notion prétend exiger de chaque individu qu'il se livre à un examen juridique approfondi avant de réaliser une copie» , résume la Quadrature du Net .

L'amendement ferme de nombreuses portes aux utilisateurs, c'est certain. Mais selon Lionel Maurel , conservateur à la Bibliothèque nationale de France et juriste, «il semblerait bien qu'il puisse y avoir un effet bénéfique inattendu sur les bibliothèques et leurs usagers» : puisque «le prêt en bibliothèque ou la consultation de documents sur place constituent bien une manière licite d'accéder aux œuvres» et que la copie privée doit provenir de sources licites, il s'établit «avec davantage de certitude» qu'hier qu'une bibliothèque devient une caverne d'Ali Baba culturelle où piocher légalement autant de contenus protégés que l'on souhaite.

Lionel Maurel, Olivier Ertzscheid et Silvère Mercier, tous trois blogueurs et passionnés de la question du droit d'auteur à l'ère numérique, se sont donc mis en tête de «prendre cette loi au mot» en organisant des copy parties . «Ce sera l'occasion de sensibiliser les participants à la problématique du droit d'auteur à l'heure du numérique et de réfléchir aux enjeux de la circulation et du partage des savoirs» , explique Lionel Maurel sur le Framablog .

Les règles, résumées par Silvère Mercier sur Bibliosession , sont strictes mais simples :

- Les copies doivent être réalisées avec le propre matériel des usagers (appareil photo, téléphone portable, PC...) ;

- ces copies doivent être réservées à un usage personnel ;

- elles doivent être faites à partir de documents consultés ou empruntés en bibliothèque et acquis de manière légale : c’est le cas des livres (droit de prêt) des DVD (droits négociés) mais pas des CD dont le prêt n’est pas négocié, ni des jeux vidéo ;

- L’acte de copie ne doit pas briser une mesure de protection technique tel qu'un DRM.

Trois logos symbolisant la copy party

Rendez-vous ce soir à La Roche-sur-Yon pour les Vendéens, en attendant d'autres éditions de cet événement destiné à se multiplier et peut-être, comme l'espèrent les organisateurs, l'ouverture d' «un débat sur la place des bibliothèques dans la société actuelle et leur rôle dans l'environnement numérique.» En attendant, on ne manquera pas de faire ici-même un compte-rendu de la première copy party , et rien n'empêche d'autres copistes motivés de faire chauffer dans leur coin scanners et graveurs : «il n'y a pas besoin d'une Copy Party pour réaliser des reproductions» , rappelle Maurel: «c'est une chose que les établissements ne peuvent pas empêcher et qu'ils devraient plutôt considérer comme une chance.»

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