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Libération

Google : des ayants droit dans le moteur

par Alexandre Hervaud
publié le 3 décembre 2010 à 19h15

Tendre la main, quitte à se faire taper sur les doigts, pour éviter des désaccords qui coûteraient un bras : voilà un peu, anatomiquement parlant, le sentiment que donne la récente annonce de Google parue sur son blog officiel. Dans un billet intitulé «Améliorer le fonctionnement du copyright en ligne» , Kent Walker présente quatre changement «à venir dans les prochains mois» en matière de respect du droit d'auteur sur le principal moteur de recherche.

Le premier consiste en un engagement à répondre aux requêtes des ayants droit en moins de 24 heures lorsqu'une infraction est constatée dans ses résultats de recherche ou sur la plateforme Blogger, propriété de Google. Comme un professeur distribuerait des points de bonus pour bonne présentation ou rendu de travail en avance, Google s'engage à répondre plus rapidement aux ayants droit utilisant l'outil «de manière responsable» . L'amélioration promise va dans les deux sens : les utilisateurs concernés par un retrait injustifié de leur contenu (une vidéo postée sur YouTube pouvant bénéficier du «fair use» ou du droit à la parodie, par exemple) pourront signaler l'abus plus facilement grâce une amélioration des outils de «counter notice» (moyen de dire que le contenu a été supprimé par erreur).

À ce sujet, on peut signaler au passage la «vengeance vidéo» plutôt sympathique de deux internautes qui s'étaient filmés en train de chanter le générique de Pokemon , un hit YouTube ayant culminé à 24 millions de vues avant d'être retiré suite à une requête d'ayant-droit :

La deuxième nouveauté est à chercher du côté des résultats de recherche, en particulier ceux fournis par complément automatique (ou autocomplétion), autrement dit quand Google suggère la fin d'une recherche que l'internaute a commencé à écrire. Ces résultats devraient éviter de suggérer des termes «étroitement associé avec le piratage» . Un peu comme ceux qui apparaissent dans ce début de recherche effectué aujourd'hui :

Si en théorie, la publicité via AdSense , la régie publicitaire de Google, est depuis toujours interdite sur les sites fournissant du contenu illégal, la réalité n'est pas toujours aussi simple. Google semble l'admettre volontiers en annonçant un travail en commun avec les ayants droit pour expulser les contrevenants identifiés de son programme AdSense. Google prépare enfin une mise en avant dans ses résultats de «contenu autorisé» . Pour Walker, «la plupart des utilisateurs veulent accéder à du contenu légal et sont intéressés par des sites en proposant, même sous forme d'aperçus ou d'extraits, et nous allons tâcher de rendre ce contenu plus facile à indexer et à trouver» .

Cette dernière annonce a été résumée ainsi par Wired : «jouez dans les règles et Google rendra votre site bien plus accessible. Sinon, dîtes sayonara au plus grand moteur de recherche au monde» . Une telle stratégie peut rappeler des discussions tenues il y a plus d'un an lors de l'examen de la loi Création et Internet ayant abouti à la création de la Hadopi. Evoquant l'amendement 50 du projet de loi, on posait alors la question suivante : le gouvernement peut-il obliger les moteurs de recherche à favoriser l'affichage d'offres légales labellisées par ses soins ? Un porte parole de Google France nous déclarait alors : «ce serait aller loin que de demander aux moteurs de recherche de sur-référencer certains sites labellisés, cela constituerait une forme de censure. De plus une telle demande méconnaitrait le fonctionnement automatisé des moteurs de recherche» .

Doit-on alors considérer que Google a fait machine arrière sur ses positions initiales ? On serait tenter de l'avancer au vu des derniers développements du géant de Moutain View, qui multiplie dernièrement les tentatives d'apaisement avec les propriétaires de contenus : accord de numérisation avec Hachette Livre , signature d'accords entre YouTube et des sociétés d'auteurs et, pour sortir du milieu franco-français, le gros défi que représentent les chantiers en cours ou à venir pour Google, avec son service de TV connectée mal aimé des networks aux Etats-Unis et son potentiel service de musique...

Bien que satisfaits par l'orientation annoncée, certains représentants d'ayants droit regrettent que Google n'aille pas plus loin . En effet, et heureusement, les mesures prévues ne vont tout de même pas jusqu'au filtrage de certains sites, qui continueront d'apparaître dans les résultats, au grand regret de la British Phonographic Industry par exemple : «cette série de mesures, bien accueillies, continue d'ignorer le cœur du problème, à savoir que les recherches Google dirigent en masse les utilisateurs cherchant du contenu vers des sites illégaux» . Peut-être parce que c'est précisément ce que les internautes cherchent, faute de mieux ?

NB : dans un registre totalement différent mais néanmoins liée à la recherche via Google, signalons la mise en place récente d'un nouvel algorithme évitant aux sites de commerce litigieux d'apparaître dans les premiers résultats. La chose fait suite à la parution d'un article assez hallucinant du New York Times racontant comment un vendeur particulièrement incompétent et potentiellement dangereux (menaces et insultes envers ses clients floués) qui a développé son site de vente en ligne grâce au nombreux retours négatifs sur son site postés sur la Toile, Google ne faisant a priori par la différence entre des occurrences «positives» ou «négatives». En gros, plus les consommateurs se plaignaient dans des forums et sites spécialisés, plus le site en question était visible dans les recherches Google, pour le plus grand plaisir du vendeur un peu spécial. Google a depuis tenté de rectifier le tir, annonçant cette vérité choc sur son blog : «être mauvais avec vos clients, c'est mauvais pour votre business» . Puisse le géant du web s'en souvenir en temps voulu.

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