Coucoucircus: Il était une fois... La Sacem

par Camille Gévaudan
publié le 18 mars 2011 à 10h25
(mis à jour le 18 mars 2011 à 10h31)

«Wiiiidget ! Megabrain ! Na na na-na...» Mince, c'était quoi les paroles, déjà ? On a bien la mélodie de ce vieux dessin animé en tête, mais impossible de retrouver les mots du générique en creusant dans des strates mémorielles vieilles de vingt ans. Alors, d'une main, on ouvre un nouvel onglet dans le navigateur et on tape tout naturellement : coucoucircus.org , comme on visiterait IMDB pour trouver le nom du chef accessoiriste dans Annie Hall . Tout simplement car on sait qu'on y trouvera l'information : si elle est quelque part sur Internet, c'est ici. Coucoucircus est devenu, depuis sa création en 2003, la référence ultime des internautes amateurs de génériques. Dessins animés occidentaux, animes japonais, séries, émissions et jeux télé, et depuis peu jeux vidéo : toute production audiovisuelle bénéficiant d'un minimum de notoriété y est référencée, accompagnée d'un player audio pour jouer la musique... Enfin, «était». Quand on a cherché le générique de Widget pour des raisons hautement professionnelles , il y a quelques jours, la musique n'était pas disponible. À la place, un message prévenait que «l'écoute des génériques est suspendue car coucoucircus.org ne peut pas subvenir aux demandes de la SACEM» .

Coucoucircus n'a jamais versé un centime à la Sacem, c'est vrai. Mais Xavier Coulange, son créateur et webmaster, s'étonne que la société de gestion des droits d'auteur ne s'intéresse au site qu'aujourd'hui, après plusieurs années d'existence, alors que «jamais aucun auteur n'est venu demander réclamation parce qu'on utilisait son œuvre sur Coucoucircus. Pire que ça , explique-t-il sur son forum : certains d'entre eux ont même fait la démarche de demander à ce que leur œuvre figure sur le site. Ces gens-là ont bien compris que Coucoucircus pouvait être considéré comme un espace de publicité gratuite pour leur œuvre.» Car le site ne prétend à rien de plus ambitieux que cela : aménager sur Internet un grenier de vieilleries télévisuelles, offrant une seconde vie à des chansons aujourd'hui introuvables et d'émouvants souvenirs aux internautes nostalgiques.

Pour une activité exclusivement motivée par ces bons sentiments, les sommes réclamées par la Sacem paraissent exorbitantes. «Coucoucircus doit reverser 0.005 € par écoute de générique , détaille Xavier Coulange. Ça veut dire que si 8000 génériques sont en moyenne écoutés 5 fois dans une journée, coucoucircus doit reverser à la SACEM 200 € par jour, soit 6000 € par mois, payables au trimestre. Et tout ceci est calculé hors taxes. On arrive donc à plus de 21 000 € par trimestre !» À l'heure actuelle, les quelques publicités affichées sur le site permettent seulement de compenser les frais d'organisation des karaokés et animations auxquels participe l'équipe de Coucoucircus.

«Si un jour Coucoucircus dégage autant d'argent, c'est que le site sera devenu une entreprise rentable» , nous commente Xavier Coulange. Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui, et risque fort de ne jamais l'être. Coulange a bien une piste qui pourrait permettre de monétiser le site, grâce à «une personne spécialisée en marketing et riche de bonnes idées» qui lui a proposé son aide. Mais la mise en place de nouvelles fonctionnalités impliquerait la refonte complète du site, et demandera donc beaucoup de temps. D'ici là, l'équipe a coupé l'accès aux génériques et envisagé, pendant quelques jours, de baisser les bras et vendre le site. Une pétition a été lancée. «Non pas pour dire à la Sacem qu'on n'est pas d'accord, mais pour que je sache si ça vaut le coup de chercher une solution.»

Sept jours et 11000 signatures plus tard, alors : est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? A priori, oui. «Les retours de la pétition me redonnent un peu de courage et la vente du site n'est plus une priorité» , nous dit Xavier Coulange. «Toutes les initiatives me réconfortent et me donnent un peu plus de poids pour les négociations avec la Sacem...» Un rendez-vous a été fixé début avril. Il compte négocier : «le but de l'entretien avec la Sacem sera de trouver un accord qui me permette de les payer sur des recettes que le site fera effectivement. Pas sur celles qu'il ne fait pas. Si un jour la redevance s'élève à 21000 €, tant mieux pour eux et tant mieux pour Coucoucircus.

Mais avant d'en arriver là, il faudra mettre en place de nombreux développements autour du site, et il est évident qu'ils ne se feront pas en claquant des doigts. Il faut absolument que la Sacem accepte de parier sur Coucoucircus.»

De nombreux signataires de la pétition se disent choqués de voir ce site quasi-philanthropique menacé par de vulgaires réclamations financières. Ainsi Benoît, qui troque le débat sur la rémunération de la musique en ligne contre l'argument idéaliste de l'intérêt général : «Ce site est une vraie fenêtre sur notre enfance. Le supprimer serait un premier pas vers l'oubli.»

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