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Libération

Création, Internet, et démonstration de force

par Astrid GIRARDEAU
publié le 30 avril 2009 à 11h11
(mis à jour le 30 avril 2009 à 11h21)

Hier, mercredi, à 18 heures, le projet de loi Création et Internet entamait sa deuxième lecture à l'Assemblée nationale après son rejet, par les députés, le 9 avril dernier dans des situations jugées «rocambolesques» par la majorité. Malgré le «ce texte n'est ni de droite ni de gauche, il est à côté de la plaque» , lancé par Didier Mathus (PS), dans une ambiance assez houleuse, les deux séances d'hier soir ont avant tout été le théâtre d'une démonstration de force des deux camps politiques dans un hémicycle plein aux trois-quarts.

La première séance a été consacrée à des motions déposées par Jean-Marc Ayrault (PS) sur l’irrecevabilité (rejetée à 223 voix contre, 135 pour) et sur l’exception préalable (rejetée à 231 voix contre et 128 pour). La seconde à une discussion générale puis à des discussions sur le renvoi en commission. Le tout entrecoupé de rappels au règlement.

Tout a démarré par un rappel au règlement demandé par Alain Néri, qui présidait l'Assemblée Nationale, le fameux 9 avril dernier, à propos de la remise en cause, par la majorité, du vote des députés. Martine Billard a enchaîné pour protester contre la modification de l'ordre du jour de l'Assemblée afin de faire passer le projet de loi Création et Internet et demandé : «Est-il normal qu'une session extraordinaire soit déjà annoncée dans la presse sans que la conférence des présidents ait été saisie de cette question ? Est-il normal que le Président de la République annonce l'adoption définitive de la loi Hadopi pour le 14 mai alors que c'est à l'Assemblée de fixer son ordre du jour ? Est-il normal que ce vote solennel soit prévu pour le mardi 5 mai ?» Avant de lancer au secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement Roger Karoutchi : «cela veut-il dire que le Gouvernement envisage d'utiliser l'article 44-3 de la Constitution pour abréger les débats et imposer le texte qu'il souhaite ?»

Ce fut ensuite au tour de Christine Albanel, puis au rapporteur du texte, Franck Riester, de prendre la parole. Très chahutée par l'opposition, la ministre de la culture a rappelé les grandes lignes de son projet de loi. Un texte qu'elle décrit comme «moderne» , en réponse aux adjectifs «obsolète» , «ringard» , «dépassé» souvent entendus dans l'hémicycle lors des débats. «Ce sont les défenseurs de la loi du plus fort, du renard libre dans le poulailler libre, ce sont ceux qui pensent qu'Internet doit demeurer une jungle, un Far West anarchique, qui se trompent d'époque» , a t-elle lancé à ses opposants. «Les créateurs ont-ils le droit de vivre de leur travail ou doivent-ils être expropriés de ce droit, en contrepartie d'une indemnisation collective sous forme d'une chimérique contribution créative, injuste et infaisable ?» , a t-elle déclaré avant de lancer : «souhaitons-nous abdiquer, sur Internet, un droit fondamental consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen voici deux siècles, sacrifier l'État de droit sur l'autel d'une licence mal comprise ?»

Lors de la discussion générale, les députés opposés au texte ont rappelé l'objet de leur contestation. Martine Billard est ainsi revenue sur l'installation d'un logiciel mouchard, la faiblesse de la preuve par l'adresse IP, la double peine, le filtrage des sites, l'absence de rapport de la loi DAVDSI, etc. De son côté, Jean Dionis du Séjour a rappelé pourquoi il était favorable à la riposte graduée, mais opposé à la coupure de l'accès Internet à laquelle il propose de substituer une amende . A la la fin de la discussion, Patrick Bloche a reproché à la ministre de n'a pas eu avoir la courtoisie de répondre aux questions députés. Ce à quoi, après cinq minutes de suspension, Christine Albanel a déclaré que ce n'était pas par négligence, mais qu'elle n'avait simplement pas observé «de nouvelles questions» qui n'aient déjà été traitées tout au long des débats antérieurs.

Si la majorité a témoigné de sa force en rejetant massivement les deux premières demandes de motion, le vote du renvoi en commission a été l'occasion à l'opposition de démontrer son pouvoir d'action. A l'heure du vote, peu avant minuit, le PS a demandé la vérification du Quorum. Selon ce dernier la majorité absolue des députés doit être présente au vote sinon le vote est repoussé d'une heure (peu importe alors le nombre de votants présents). La barre des 289 députés n'étant pas atteinte, les députés PS ont ainsi forcé les députés de la majorité a resté une heure de plus. Le renvoi en commission a été rejeté à une heure du matin à 231 voix contre et 103 pour.

Les débats se poursuivront lundi prochain, 4 mai, à partir de 16 heures.

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