Dahan : rire jaune et même chanson

par Isabelle Hanne
publié le 24 février 2012 à 15h36

Gérald Dahan peut désormais se targuer d'être l'humoriste le plus viré de France. Rire et Chansons, station pour laquelle il collaborait depuis octobre, l'a renvoyé hier. La station du groupe NRJ n'a pas goûté qu'il diffuse sur Internet un canular que celle-ci refusait de passer à l'antenne. «Ce contenu n'était pas conforme aux attentes de la station , affirme la direction dans un communiqué. Après écoute, il nous est apparu que ce canular, outre qu'il n'était pas drôle, ne respectait pas la ligne éditoriale de la station, et ce quels que soient les personnages politiques visés.»

Gérald Dahan ne donne pas vraiment la même version. Il raconte que c'est la station qui lui a demandé, en vue des prochaines élections, de «piéger des hommes politiques, en ciblant les candidats à la présidentielle» . En janvier, il décide de s'attaquer à Nicolas Dupont-Aignan, en se faisant passer pour Eric Cantona. Le faux ex-footballeur propose d'appeler à voter pour le candidat de Debout la République si celui-ci s'engage sur la thématique des mal-logés, son cheval de bataille. Dahan-Cantona assène qu'il n'a «pas confiance en Nicolas Sarkozy» : «C'est une catastrophe. Je pense que c'est une crapule.» «Je le pense aussi» , lui répond Dupont-Aignan. Très emballé par la discussion, ce dernier, qui a depuis assumé ses propos, en profite pour le mettre en garde contre les autres candidats. L'actuel président, entre autres, en prend pour son grade : «Si Sarkozy est réélu, ça finira dans le sang. Après, ça finira dans la rue. Tu vois le pays supporter encore Sarkozy cinq ans ?» demande Nicolas Dupont-Aignan au faux Cantona.

Selon l'humoriste, la station trouve le canular «très drôle» et en propose un montage pour diffusion cette semaine. Mais jeudi dernier, Nicolas Richaud, directeur des programmes de Rire et Chansons, fait part à Dahan de réticences à la tête du groupe NRJ : «Il m'a dit : "Tout est drôle, mais tout ce qui concerne Sarkozy est touchy. Baudecroux [patron du groupe NRJ, ndlr] trouve gênant de diffuser le canular alors qu'on est en discussion pour des nouvelles autorisations d'émettre pour certaines fréquences".» Il lui propose de diffuser le canular sans l'essentiel des passages sur Sarkozy. L'humoriste refuse : «Je ne peux pas cautionner un canular tronqué, au bénéfice d'un candidat. J'ai un code de conduite.» Et décide, mardi, de mettre la version initiale en ligne.

La réaction ne s'est pas fait attendre. Dès hier matin, un vigile lui refuse l'accès à la station, sur ordre de la direction. «J'ai même pas pu récupérer mes affaires, mes textes, mon travail…» déplore-t-il. Ce n'est que plus tard qu'il découvre un mail de rupture de contrat, envoyé par la direction de Rire et Chansons la veille au soir : «La lettre dit que mes propos étaient "manifestement injurieux, voire diffamatoires, dépassant largement les limites de l'humour acceptable, et contraire à la ligne éditoriale de la station" , lit-il. La ligne éditoriale, c'est rire de tout mais surtout pas du chef de l'Etat. Par contre, je n'ai trouvé nulle part de définition de "l'humour acceptable".»

La direction dénonce, elle, les «déclarations publiques inacceptables» de Dahan, «accusant, selon un procédé bien connu de victimisation, Rire et Chansons de pratiquer "la censure" et dénigrant ouvertement la radio» . Gérald Dahan est coutumier du fait : France Inter l'a viré en 2010 pour, selon la station, la «médiocrité» de son travail, selon lui, une chronique sur Michèle Alliot-Marie. Et «Vire et Sanctions» , comme la surnomme Dahan, l'avait mis dehors une première fois en 2005, après des canulars concernant Zinédine Zidane, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et le Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin.

Paru dans Libération du 23 février 2012

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