«Tu as une idée, je te taxe, je te régules !» . Ainsi Martin Rogard et Guiseppe di Martino, directeur France et directeur juridique de Dailymotion, résument l'atmosphère en France, dans une lettre adressée le 24 février dernier à Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), la secrétaire d'Etat à l'Economie numérique. Dans ce courrier, que s'est procuré Le Figaro , les deux signataires lui reprochent son inaction, et par là de laisser un «courant de pensée anti-Internet prospérer» .
Récemment, on relevait le discours, un peu décalé avec l'ambiance générale, de NKM qui déclarait vouloir «rééquilibrer le discours public et médiatique sur l'Internet» , regrettant qu'il ne porte que «sur les risques, les pédophiles, etc.» . Mais la plate-forme de vidéos en ligne française critique « l'absence de communication» de la ministre sur des affaires récentes et regrettent que, par son silence, elle ne concoure pas «à donner une image de notre industrie plus proche de la réalité» .
Ils évoquent tout d'abord de la proposition de Frédéric Lefèbvre , qui suite à «l'affaire Beemotion» demandait à Bernard Accoyer, président de l'Assemblée Nationale, «de créer une commission d'enquête sur les plateformes vidéo» . Rappelant que les dernières commissions parlementaires concernaient le scandale d'Outreau, l'AZF ou les vaches folles, ils regrettent que la ministre ne soit pas intervenue sur ce sujet.
Interrogé par Le Figaro, Martin Rogard est également revenu sur l'affaire de Nadine Morano , qui a fait ouvrir une enquête pour identifier les auteurs de commentaires jugés insultants postés en dessous de vidéos postées sur Dailymotion et Youtube. Et de s'interroger: «cette affaire comporte un caractère bizarre. Quelle est la stratégie de la ministre derrière cette action qui implique la police ? Est-ce pour faire de l'intimidation ?».
Les deux auteurs de la lettre déplorent également que le gouvernement mettent un frein à l'innovation, la création, le développement -- prônés par Eric Besson lors des Assises du Numérique -- avec «cette volonté de régulation à tout prix et «taxophilie» . Et de regretter à nouveau le silence de NKM lors de l'examen du projet de loi sur l'Audiovisuel. La «volonté de régulation» rappelle également la nouvelle mission la responsabilité des prestataires, hébergeurs et fournisseurs d'accès Internet récemment confiée à Pierre Sirinelli.
Rappelant leur poids (40 millions de visiteurs uniques par mois dans le monde), ils placent du côté des nouvelles générations, face un gouvernement «déconnecté du temps numérique» , et dont le plan de relance ne comprend qu'une seule mesure (sur 1000) sur les nouvelles technologies. Dans le même sens, lors de la création de l'ASIC (Association des Services Internet Communautaires) en décembre 2007, Guiseppe di Martino, qui en est le co-président regrettait : «on oublie à quel point en France ce nouvel Internet doit être entendu et aidé. Dailymotion et Price Minister sont deux start-ups françaises performantes au niveau du web mondial. On n'a pas l'impression que le gouvernement s'en rend compte.»
Hier, dans un communiqué assez virulent, Nathalie Kosciusko-Morizet a accusé Martin Rogard d'être «l'acteur de l'Internet le moins bien placé» pour «dénoncer un soi-disant silence» . Rappelant qu'il a été conseiller du ministre de la culture à l'époque «du fiasco qu'a été la Loi DAVDSI» , elle poursuit : «si un acteur de l'internet est frappé d'ambiguïté, sur la Loi création et internet par exemple, c'est bien lui» . Elle conclut : «A l'heure où Internet est trop souvent et injustement mis en cause, comme un havre de brigands et de criminels, ou comme le responsable de toutes les faillites, les défenseurs d'Internet, de son bon usage, comme moi et, j'en suis sure, comme Martin Rogard, feraient bien mieux de s'unir, plutôt que de polémiquer, on se demande bien pour le bénéfice de qui..??».
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