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«Minecraft» : De l’état de nature aux sept merveilles du monde

Lâché en pleine nature sans aucune instruction, le joueur doit se fixer un but et modeler son univers avec trois cubes de bois ou de charbon.
par Camille Gévaudan
publié le 13 décembre 2011 à 13h50
(mis à jour le 13 décembre 2011 à 13h52)

Si Minecraft était une œuvre littéraire, on dirait de son incipit qu'il est in medias res. Sans cinématique d'introduction ni tutoriel d'apprentissage, sans générique ni musique, le joueur se trouve plongé «au milieu des choses». Au milieu de la nature. En déplaçant la souris, on observe l'environnement. Il y a de gros blocs verts sous nos pieds (de l'herbe), des blocs marron empilés juste au-dessus (un tronc d'arbre), et une masse de pixels bleus à l'horizon (la mer). Et là, juste devant nos yeux, un mouton. Ou du moins, un arrangement de cubes blancs avec des yeux, monté sur quatre blocs étroits qu'on devine être des pattes. Et maintenant, quoi ?

Sans indication d'aucune sorte pour guider nos premiers pas, la prise de contact avec Minecraft est aussi déroutante que ses graphismes en pixel art.

Il n’y a pas de scénario prédéterminé ; c’est un jeu «bac-à-sable» dont l’objectif et l’histoire sont à écrire par le joueur. Lâché dans le monde virtuel comme un rat de laboratoire dans un labyrinthe, il doit se débrouiller pour survivre avec ce qu’il a sous la main, c’est-à-dire rien. Alors on avance. On marche, on saute pour gravir les collines, on nage pour traverser la baie et rejoindre ce paysage de falaises escarpées et de cascades vertigineuses, au loin, qu’on distingue encore à peine mais qu’on devine majestueux.

Le monde, mêlant steppe sableuse et montagnes enneigées, est généré dynamiquement à mesure qu’on l’explore - aucun joueur ne verra le même paysage. En théorie, sa taille est infinie (en pratique, l’ordinateur finira par planter quand la superficie triplera celle de la Terre).

On clique un peu partout, au hasard, jusqu’à découvrir que l’on peut altérer le paysage. En tapant dans un arbre, des portions de son tronc disparaissent et notre inventaire s’emplit de blocs de bois. Parfait ! Ils serviront à faire des pioches rudimentaires pour attaquer la pierre de la même façon.

Chaque bloc de l’environnement virtuel est une matière première qui peut être extraite, puis stockée ou combinée avec d’autres éléments pour former des objets (on dit «crafter» dans le jargon). Si l’on place du charbon au bout d’un bâton, par exemple, on obtient une torche. Fort pratique pour s’éclairer quand vient la nuit.

Car toutes les dix minutes, le soleil carré disparaît à l'horizon, la luminosité décline, le paysage s'efface… Et des bruits inquiétants commencent à nous entourer : «Beuuôôôh…» : un zombie ! «Ksss, ksss» : une araignée aux yeux rouges ! Il est alors grand temps de piocher dans ses stocks de pierre et de bois pour se construire un abri et se protéger des monstres qui rôdent -- en premier lieu des creepers, ces kamikazes tout verts ayant la fâcheuse habitude d'exploser à la tête du joueur. On entre là dans le véritable cœur de Minecraft : un jeu de construction virtuel où les possibilités de créations ne sont limitées que par l'imagination du joueur. Le sable se cuit dans un four pour former du verre ; le verre se découpe en vitres ; les vitres font des fenêtres. La laine, tondue sur le dos des moutons, se colore avec des pigments naturels (cactus, lapis-lazuli…) pour former des blocs aux couleurs de l'arc-en-ciel ; ils deviendront des vitraux chez les ambitieux qui tentent de bâtir une cathédrale, ou un drapeau flottant sur le donjon d'un château fort.

Le minerai de fer, extrait des galeries souterraines où l'on se perd des heures durant, se reconvertit en rails, qui, mis bout à bout, tracent un circuit de chemin de fer pour se déplacer plus rapidement. La poudre de redstone, également récupérée dans les mines, sert d'énergie et permet d'établir des circuits logiques, des mécanismes interactifs comme des portes à ouverture automatique et des lignes de métro.

Mais pendant qu’on s’amuse à recréer le monde (quoi ? Il est déjà 4 heures du matin ?), la jauge de faim baisse dangereusement et il va falloir mettre la main sur quelques côtelettes de porc pour rester en vie.

C'est l'une des grandes nouveautés apportées par la récente vague de mises à jour (mode aventure et version 1.0, sortis en novembre) qui ont tiré Minecraft vers le jeu de rôle. Nouveaux monstres à combattre, points et niveaux d'expérience, potions et enchantements… Et cette impitoyable jauge de faim, qui apporte un peu de challenge en nous obligeant à quitter les chantiers de temps à autre, histoire d'éviter une mort idiote pour cause d'estomac vide.

Mais, même avec ces récentes évolutions, Minecraft a gardé la magie du jeu pâte à modeler que chaque gamer peut s'approprier en le façonnant selon ses goûts et ses rêves. Certains construiront un portail pour passer dans The End, dimension parallèle où un dragon surpuissant fait figure de boss de fin. D'autres préféreront se la couler douce dans un monastère tibétain construit à flanc de montagne, leur temps libre partagé entre la culture des champs de blé et l'élevage des vaches. Certains sont accros au mode multijoueur et se répartissent les rôles d'architectes et de bâtisseurs pour reconstruire les sept merveilles du monde. Et lorsqu'ils partagent les captures d'écran de leurs créations sur des forums communautaires, la fierté est tout sauf virtuelle.

Paru dans Libération du 12 décembre 2011

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