De la résistance passive à l’alternative

par Alexandre Hervaud
publié le 10 juin 2010 à 9h04
(mis à jour le 10 juin 2010 à 9h57)

C'est bien beau de critiquer Facebook, encore faudrait-il pouvoir lui trouver des alternatives. Et à ce niveau-là, on s'en veut d'admettre que l'inspiration viendrait presque à manquer. Retourner sur MySpace ? Et pourquoi pas réécouter les Spice Girls en jeans baggy, pendant qu'on y est. Plus sérieusement, la vieille rengaine de la droite extrême «tu l'aimes ou tu la quittes» aurait du mal à s'appliquer au réseau social. Une formule plus réaliste serait à la rigueur «tu l'aimes ou tu l'améliores» .

C'est tout le propos de la chercheuse américaine spécialiste des réseaux sociaux et employée par Microsoft, Danah Boyd, souvent critique vis-à-vis du site, qui a publié en mai sur son blog un billet intitulé Partir de Facebook est inutile : l'encourager à s'améliorer ne l'est pas . Boyd considère que les querelles sur la vie privée ne constituent pas des motifs suffisants pour provoquer un exode de masse sur le réseau social et ne concernent qu'une minorité, une sorte d'élite technophile un peu snob. Le nombre croissant d'utilisateurs et la relativement faible participation au «Quit Facebook Day» du 31 mai, malgré une médiatisation importante, tendent à appuyer son propos. La spécialiste, qui évoque la relation «très très très profonde» entre le réseau et la plupart ses membres, y va de sa petite comparaison pour justifier l'inaction des utilisateurs pas toujours d'accord avec la politique du site : «Ça revient à dire que les gens devraient quitter leur appartement parce qu'ils ne s'entendent pas avec leur propriétaire, ou qu'ils devraient larguer leur conjoint à cause d'une décision mal perçue.»

Pour Boyd, le principal souci reste la méconnaissance caractérisée du commun des mortels sur Facebook, pas ou peu conscients des conséquences de certaines publications, ou des procédés pour les rendre non accessibles à l'ensemble de la Toile. Des outils simples existent pourtant pour mettre quelques salvateurs points sur les i. On citera par exemple l'outil Reclaim Privacy («récupérer sa vie privée», en VF) qui permet de manière simple, rapide et efficace de «tester» la confidentialité de son profil Facebook : à l'aide d'un code couleur tout bête (vert pour sécurisé, rouge pour risqué), l'utilisateur saura ainsi en dix secondes si certaines de ses données sont accessibles à une sphère un peu trop large.

Et ainsi s'éviter des déconvenues comme celle vécue par une certaine Zahia D., jeune fille avenante bien connue de certains footballeurs. Le 21 avril, le site web du Monde cite son prénom et l'initiale de son nom dans un article concernant l'affaire de mœurs. En quelques minutes, des internautes trouvent son profil en fouinant dans les contacts Facebook du présumé intermédiaire entre les Bleus et la demoiselle. Son profil n'est pas privé et ses photos personnelles feront ainsi le tour du Net en une demi-journée. Le salut viendra-t-il de la communauté du logiciel libre ? Surfant sur la grogne, une initiative sobrement baptisée « Diaspora » fait parler d'elle depuis plusieurs semaines.

Financé par des internautes mécènes, le futur site se veut une alternative open source au réseau de Mark Zuckerberg, où chacun gardera le contrôle de ses données personnelles qui ne finiront pas conservées au frais sur un serveur informatique en Californie. Le projet est piloté par quatre étudiants à l’université de New York, qui ont présenté leurs objectifs dans une vidéo versant presque dans l’autocaricature geek. Pas de quoi douter de leur motivation ni de leur talent, mais pas de quoi non plus inquiéter le géant Facebook. Comble de l’ironie, Zuckerberg a récemment annoncé avoir investi quelques dollars dans le projet. Une information personnelle qu’il aurait pu garder pour lui, mais la com vaut bien un déballage de vie privée.

Paru dans Libération du 9 juin 2010

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