Menu
Libération

De la servitude consentie (mais pas trop…)

par Pierre Marcelle
publié le 3 mai 2011 à 0h00

C'est décidément une drôle de relation faite d'amour et de haine mêlés qu'entretiennent les geeks et les naunautes avec leurs machines et ceux qui font tourner leurs bien-nommés systèmes d'exploitation. Nouvelle démonstration, l'autre semaine, à travers le bref ramdam que fit la pseudo-découverte d'un logiciel traçant les déplacements des iPhones et iPads et, conséquemment, de leurs propriétaires (Libération du 22 avril). Ainsi se recommence as usual le petit jeu sado-masochiste du «Fais-moi peur, robot». Comme si - tu parles d'une découverte ! - l'on redécouvrait éternellement la présence des flics et des mouchards partout. Comme si l'on n'en était pas prévenu et gavé, et complice, aussi, tant elles se révèlent utiles, toutes ces applications, dont la géolocalisation constitue un incontournable préalable.

Pourquoi cet émoi, alors, cet effarouchement soudain, à grand renfort d’invocation des libertés démocratiques ? C’est que pour cette fois, via le pistage de «la communauté» (ce mot !) des iPhonistes et iPadistes, l’ennemi susceptible d’attenter un petit peu à nos déplacements, et, partant, à notre «vie privée», n’était pas le grand Brother abstrait des marchands de tout et de n’importe quoi, qui vous suggère une station-service au coin de la rue, ou les impromptues retrouvailles avec un «ami» de Facebook ou d’un «follower» de Twitter à la pizzeria du trottoir d’en face… Comme si l’ennemi était d’une intime proximité, et à ce titre autrement redoutable. Songez : qui, dans votre entourage, serait susceptible d’être intéressé par les déambulations quotidiennes de votre vie minuscule, et le misérable petit tas de secrets qui va avec?

Le conjoint, bien sûr, et bien plus que les fantasmatiques officines avec lesquelles les coupables putatifs, méchants terroristes ou brigands de toute obédience, savent efficacement composer. Pour tous ceux et celles qui n’auront pas compris que le respect de l’intimité de l’être aimé, sinon la confiance en lui, va de soi plutôt qu’il ne se décrète ou verrouille (on ne fouille pas, ça va de soi, dans les poches, les sacs à main ni les smartphones), les développements à venir des machines intelligentes n’ont pas fini de nourrir les paranoïaques chimères.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique